La ponte ne survient que quelque temps après l’accouplement ; la femelle libellule arrive seule sur le lieu de ponte, et essaie de repousser le mâle, pour pouvoir pondre tranquillement, et échapper à d’autres accouplements. Les femelles de S. flavomaculata, S. arctica et S. alpestris se comportent très discrètement au milieu de la végétation. Si elles sont découvertes, elles s’enfuient devant le mâle en direction du rivage, ou signalent leur indisposition à l’accouplement en recourbant vers le bas l’arrière de l’abdomen.
Les œufs fécondés, avec l’embryon qu’ils contiennent, formé dans l’œuf à partir du zygote, sont déposés dans l’eau lors de la ponte. Chez les libellules émeraude et leurs proches parentes les Cordulia, les œufs sont déposés en petits groupes. Ils sortent vite l’un après l’autre de l’orifice génital, et se rassemblent sans se coller sur la plaque subgénitale en forme de gouttière. Comme chez tous les Corduliidae, les œufs à la sortie de l’orifice génital sont déposés en vol à la surface de l’eau en petits paquets de 2 à 15 œufs. Ils se séparent alors, coulent et reposent au fond ou sur des plantes. Grâce à l’osmose, de l’eau passe dans la partie externe du chorion, fait gonfler l’œuf en lui donnant une consistance gélatineuse, ce qui lui permet de coller à son substrat. Pour les œufs de S. arctica et S. alpestris, cela dure de 30 à 60 minutes jusqu’à ce que les œufs deviennent collants et prennent une place sûre au fond. Chez les espèces d’eau courante, ce processus peut être plus rapide, ce qui évite la dérive, mais le cas des libellules émeraude n’a pas encore été étudié. Le nombre d’œufs pondus se situe environ entre 300 et 1000 par femelle, mais en plus, certaines femelles peuvent effectuer plusieurs pontes.
Cependant, chez diverses libellules émeraude, contrairement à presque toutes les autres libellules, il peut y avoir ponte au sol. Par exemple, S. metallica dépose des paquets d’œufs dans le substrat mou de la berge des lacs, en les enfouissant d’environ un millimètre au moyen de son ovipositeur. Une observation similaire a été réalisée pour S. meridionalis, S. sahlbergi, S. uchidai, S. williamsonis, S. elongata et S. minor ; pour d’autres espèces à ovipositeur en forme de pic, on suppose le même comportement. De cette manière, les œufs échappent aux prédateurs aquatiques, mais les larves doivent, après éclosion, soit rejoindre
activement l’eau, soit y être emportées par un courant.
Comme chez toutes les autres espèces de libellules, le développement commence par la fécondation des œufs dans la spermathèque (chambres paires, en forme de tuyau, dans lesquelles le sperme des mâles est stocké après l’accouplement) dans l’arrière-corps de la femelle. La sélection du sexe dépend du fait que les cellules après fécondation contiennent un ou deux chromosomes X.
L’embryon se développe en « prolarve », qui éclôt dans l’eau et se transforme en larve complète. Le temps de développement, de la fécondation à l’éclosion de la prolarve dure chez S. viridiaenea de 19 à 21 jours. Le quatrième jour du développement, la ligne primitive de l’embryon fait à peu près la longueur de l’œuf, et le jour suivant, les segments apparaissent, avec les membres. À partir du neuvième jour, l’embryon se déroule, et mûrit pendant les dix jours suivants. Les yeux composés ne consistent encore chez les libellules émeraude que de sept yeux élémentaires (ommatidies) ; dans la famille des Epitheca, ce sont dix, et dans la famille des Aeshnidae, ce sont jusqu’à 270.
Pour le développement des embryons, il est nécessaire d’avoir une fenêtre très étroite de températures, à peu près de 10°C. S. arctica et S. alpestris arrêtent de se développer sans doute au-dessous de 16°C, et pour des températures au-dessus de 26°C, les œufs et embryons meurent.
L’éclosion a lieu à la fin du développement de l’embryon, mais si cette fin a lieu en automne, les larves hibernent en diapause, si bien qu’elles n’éclosent qu’au printemps suivant, suite à une élévation de température. Ces œufs en diapause ont été observés par exemple pour S. arctica et S. alpestris.
Le développement larvaire représente chez les libellules émeraude, comme chez les autres libellules, la plus grande fraction du temps de vie de l’animal et dure – en fonction de l’espèce – généralement plusieurs années. On estime ainsi le temps de développement de S. arctica et S. alpestris à au moins trois ans, avec donc deux ou trois hibernations. Chez les espèces à répartition de haute altitude, comme S. semicircularis au Colorado, ou très nordique comme S. sahlbergi au Yukon(Canada), le temps de développement atteint même de quatre à cinq ans.
Au stade de prolarve (décrit par certains auteurs comme le premier stade de développement de la larve), l’animal fraîchement éclos fait 1 mm de long, et est transparent. Le développement ultérieur se fait par au moins 11 mues, si bien qu’il est possible d’avoir 12 à 14 stades larvaires. La taille du corps augmente à chaque mue d’un tiers, et la durée de chaque stade augmente aussi, bien que certaines espèces aient des stades plus courts vers la fin. Chez certaines espèces, on en arrive à un crowding effect (effet d’encombrement), quand beaucoup de larves de la même ponte poussent dans le même petit marécage, et entrent donc en concurrence pour la nourriture. Dans ce cas, il a été montré dans des élevages artificiels de S. arctica que seul un individu se développe normalement, tandis que les autres, même en présence d’une quantité suffisante de nourriture, se développent moins vite. Ceci est en particulier important quand les larves se développent ensemble dans de très petites mares de marécages, ce qui est souvent le cas chez certaines libellules émeraude. Avant la métamorphose en imago, il y a chez la plupart des larves une dernière diapause hivernale dans le dernier stade larvaire, ce qui permet la synchronisation des développements larvaires et permet aux imagos de se métamorphoser et de s’envoler au début du printemps presque toutes ensemble.