Le hérisson s’était associé avec le chacal pour cultiver. Des nomades s’installèrent un jour sur leurs terres. Quand le chacal et le hérisson s’en furent visiter leurs champs, ils y trouvèrent des chèvres broutant leur grain en herbe.
« Amis, dirent-ils aux étrangers, vous nous portez tort ! Si Dieu vous guide dans la bonne voie, décampez de nos champs !
— Nous n’en partirons pas ! » répondirent-ils.
Et grande fut alors l’inquiétude de nos deux compères.
Le chacal dit un jour au hérisson : « Tirons au sort : celui de nous deux qu’il désignera montera sur l’autre et nous irons razzier les chèvres des nomades ! »
Le hérisson répondit : « Mets ta confiance en Dieu ! » Et ils tirèrent à la courte paille.
Le sort désigna le hérisson qui fut ainsi choisi comme monture. Le chacal lui jeta la selle sur le dos, mais ne sut comment s’y prendre pour monter car elle arrivait jusqu’à terre.
Le hérisson l’interpella : « Qu’as-tu à vouloir monter sur moi, lui dit-il, je suis si petit, si court. C’est sur toi que la selle ira : tu es grand et long !
— Si c’est là ton désir, mets-la-moi. »
La selle était à la taille du chacal, le hérisson mit le pied dans l’étrier et s’écria : « Je sais me servir de l’éperon ! »
Et prenant la bride en main, le hérisson monté sur le chacal s’en fut chasser les chèvres de leurs champs.
Levant la tête, les nomades virent le hérisson à califourchon sur le chacal. Ils appelèrent les lévriers qui les prirent en chasse.
Le chacal, effrayé, dit au hérisson : « Oncle Mhand ! Je t’en prie, lâche la bride, que je me sauve plus vite ; je sens les lévriers sur moi ! »
Le hérisson, serrant plus fortement la bride, lui répondit : « Tranquillise-toi ; cette journée ne se passera pas sans toi ! »
Ils allaient ainsi quand ils atteignirent une rivière ; le chacal la franchit mais le hérisson tomba sur place. Il alla alors se cacher sous une bouse de vache, tandis que le chacal disparaissait au loin.
Pendant ce temps, les gens du douar célébraient un mariage. Les femmes qui étaient allées chercher du combustible trouvèrent l’oncle Mhand caché sous une bouse. Une vieille le ramassa : « Ô notre ennemi, lui dit-elle, c’est Dieu qui t’a fait prendre ! »
Elle le porta aux gens du douar.
« Nous sommes occupés, lui dirent-ils ; il n’y a que toi pour le garder ! »
Elle lui passa un collier et l’attacha au poteau de la tente, puis alla s’asseoir devant lui. Le hérisson fit semblant de pleurer.
« Qu’as-tu, Mhand, lui dit-elle, quelle peine t’ai-je faite ?
— Ce qui m’attriste, c’est que tu restes là à surveiller un paquet d’épines pendant que les hommes et les femmes du douar sont à la noce, en train de manger et de boire ! »
Là-dessus, la vieille se leva et s’en fut, elle aussi, prendre sa part du festin, laissant le lévrier pour surveiller le hérisson jusqu’à son retour. Le lévrier, accroupi devant le hérisson, l’écoutait parler : « Dieu t’a frappé, toi aussi, de sa malédiction, misérable. Tes frères se rassasient d’os et de couscous pendant que tu es là à me garder ! Me prends-tu pour une saucisse de l’Aïd-el-Kebir ? Vois donc ce que tu surveilles : des épines ! »
Et ce disant, il lui montrait ses piquants. Le lévrier se dressa et alla dire à la vieille : « Viens et cherche un autre pour te garder la pelote d’épines ; moi aussi, je veux manger ma part de la fête ! »
La vieille revint vers le hérisson. En la voyant, il se remit à pleurer.
« Qu’as-tu, Mhand ? » lui dit-elle. —J’ai peur que tu me mettes dans le cruchon au bendaq et que, suspendu là-haut, tu me tues pour être débarrassée de moi.
— Par ta mère, vaurien, c’est bien ce qui va t’arriver ! »
Elle le plaça dans le cruchon qu’elle suspendit à la tente. Le hérisson se mit alors à manger jusqu’à satiété et, quand la vieille vint pour le voir, elle le trouva les pattes en l’air. Croyant qu’il était mort, elle étendit une nippe à terre, s’y allongea et s’endormit.
Alors le hérisson se leva, coupa sa corde et s’enfuit.
C’était l’hiver le plus froid jamais vu. De nombreux animaux étaient morts en raison du froid. Les porcs épics (je crois qu’en Europe vous dites hérissons), se rendant compte de la situation avaient décidé de se regrouper. De cette façon ils se couvraient et se réchauffaient les uns les autres. Mais, leurs piquants blessaient leurs compagnons les plus proches, même s’ils se donnaient beaucoup de chaleur les uns aux autres. Après un certain temps, ils ont décidé de prendre leur distance l’un de l’autre et ils ont commencé à mourir, seuls et congelés. Alors, ils devaient faire un choix : accepter les piquants de leurs compagnons ou disparaître de la terre. Sagement, ils ont décidé de revenir en arrière pour vivre ensemble. De cette façon, ils ont appris à vivre avec les petites blessures causées par l’étroite proximité avec leurs compagnons, mais la partie la plus importante était la chaleur des autres dont ils bénéficiaient tous. De cette façon, ils ont pu survivre. La meilleure relation n’est pas celle qui rassemble des gens parfaits, mais lorsque chacun apprend à vivre avec les imperfections de l’autre et y découvrir et admirer ses qualités.
Ecrit par Aiglebleu
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