La girafe est l’animal terrestre qui a le plus grand cœur. Le « girafien » est par conséquent le langage du cœur et la langue au moyen de laquelle on peut mettre fin aux altercations belliqueuses – avec les autres et avec soi-même !
Marshall Rosenberg – qui a grandi aux Etats-Unis en tant que Juif blanc dans un quartier noir au taux de criminalité extrêmement élevé – a vécu, petit enfant, une situation où des groupes d’hommes tout entiers étaient assassinés autour de lui. Lui et ses parents survécurent, mais à peine fut-il à l’école qu’il se vit confronté à une totale inhumanité. Il était rejeté à cause de son nom de famille.
Alors que beaucoup d’autres, à sa place, eussent été dépassés par les événements et se fussent réfugiés dans la dépression, Marshall réfléchit très tôt à ce qui devrait être changé dans le monde pour que de telles choses ne puissent plus se produire. Et il a trouvé quelque chose : depuis 40 ans, il travaille avec succès dans le monde entier sur la base de sa méthode. Ce qu’il a trouvé, il l’appelle aujourd’hui la « communication non violente » ou encore le « langage de la girafe« .
Marshall travaille beaucoup avec des images et des représentations enfantines. Celles-ci aident aussi les adultes à apprendre plus vite la « nouvelle langue ». Il existe ainsi, selon lui, un langage de la girafe et un langage du loup.
Notre ton habituel, aujourd’hui bien souvent considéré comme normal, est appelé « langage du loup » par Marshall, ou encore « langage suicidaire ».
Les bébés et les petits enfants qui apprennent tout juste à parler s’expriment encore très automatiquement en girafien ; mais, par imitation et papotage, ils apprennent très vite le langage suicidaire du loup. Exemple : imaginez un bébé qui est couché dans son petit lit et qui a faim pendant la nuit et qui, s’il pouvait déjà parler, crierait de son petit lit : « Eh, les parents, qu’est-ce qu’il y a ? Est-ce que vous roupillez encore égoïstement ? Bougez-vous le train arrière et, s’il vous plaît, apportez-moi mon biberon ! »
Si les bébés communiquaient ainsi (c’est-à-dire à la manière du loup), ils mourraient tous de faim. Mais heureusement, les bébés « parlent » encore girafien et n’expriment que leurs besoins et leurs sentiments.
Et CELA est précisément le langage de la girafe : on exprime… ce qui est (observation de la situation) … comment on se sent à cette occasion (sans y ajouter d’évaluation) ; … le besoin propre qui, à cette occasion, est satisfait ou n’est pas satisfait.
Dans le cas positif, on peut remercier en girafien avec une particulière efficacité ; dans le cas négatif, on peut même aplanir les conflits. Mais la girafe ne parle pas seulement girafien ; elle entend aussi avec des oreilles de girafe. C’est-à-dire qu’elle n’entend jamais une offense ou une réflexion minable. Derrière tout ce qui est dit, la girafe entend les sentiments et les besoins et répond à ceux-ci, non à ce qui a été dit. La girafe détectera des occasions positives dans ce qui a été dit, là où d’autres n’entendront que des « attaques ».
Marshall a vécu un exemple très significatif au Nigéria, où il a pu servir de médiateur dans une guerre tribale.
Il y avait là deux tribus qui étaient si déchirées qu’elles avaient déjà tué plusieurs centaines de personnes de part et d’autre. En 6 mois, un élève de Marshall parlementa avec les deux tribus jusqu’à ce qu’il les eût convaincues de se rencontrer avec Marshall dans une conversation commune. Au cours de ces 6 mois, 63 nouvelles personnes avaient été tuées.
Les chefs de tribu ainsi que 12 membres de chaque tribu et Marshall vinrent à la rencontre qui fut finalement arrangée. Marshall pria les deux chefs de lui dire quels étaient ceux de leurs besoins que ne satisfaisait pas l’autre tribu.
Chef A : « Ceux d’en face sont des meurtriers ! »
Chef B : « Vous voulez nous opprimer ! »
Marshall qui avait interrogé sur les besoins, ne recevait en réponse que des accusations. En tant que médiateur, il pointa ses oreilles de girafe et essaya d’en extraire, derrière les accusations formulées en langage de loup,les sentiments et les besoins. Il dit au chef A : « Chef, est-ce que je vous comprends bien si je dis que vous avez besoin de sécurité et que vous voudriez bien que les conflits, quelle que soit leur importance, soient quand même réglés de manière que tous les membres de votre tribu ne craignent pas pour leur vie ? »
Chef A : « C’est exactement ce que j’ai dit. Oui ! »
Naturellement, ce n’était pas du tout ce qu’il avait dit, mais c’était en définitive ce qu’il voulait dire. Il l’avait exprimé en langage suicidaire de loup, et Marshall l’avait entendu avec des oreilles de girafe et traduit en langue girafienne.
« Pourquoi as-tu donc assassiné mon fils ? » cria aussitôt un membre de la tribu B. Marshall lui dit alors, ainsi qu’au chef B : « Chef, nous allons bientôt en arriver aux besoins de votre tribu. Auparavant, voudriez-vous être assez aimable pour répéter ce que vous venez d’entendre ? »
Le chef B dut s’y reprendre à 4 fois avant de pouvoir répéter la phrase, traduite en girafien, de manière que le chef A se sentit correctement compris.
Puis les rôles furent inversés. Marshall dit au chef B : « Chef B, est-ce que je vous comprends bien si je dis que vous avez un besoin d’égalité ? Vous voudriez être aussi bien accepté, en tant qu’homme, que les membres de la tribu A ? » (L’une des tribus était chrétienne, l’autre musulmane). « C’est exactement cela que j’ai dit ! » proféra aussi le chef B. Marshall avait de nouveau pertinemment traduit le lupin en girafien. Il fit alors répéter au chef A la phrase girafienne jusqu’à ce que le chef B fut satisfait.
A cet instant, un autre membre de la tribu se leva et dit : « nous ne pouvons pas apprendre en un jour ce mode de communication, mais si nous avions appris plus tôt à communiquer de cette façon, nous n’aurions pas eu besoin de nous entretuer ! » Marshall se réjouit infiniment de cette déclaration, et la rencontre se termina par le fait que de nombreux membres des deux tribus se déclarèrent volontaires pour s’entraîner au langage de la girafe et pour s’instaurer médiateurs pour le cas où de nouveaux problèmes surgiraient.