DES COQUILLAGES ET LES HOMMES

Posté par othoharmonie le 24 avril 2017

 

 

Depuis toujours, l’homme est fasciné par l’étrange beauté des coquillages. D’objets utilitaires servant d’outils ou de monnaie, ils deviennent des objets détenteurs de symboles – ils sont portés comme amulette ou porte-bonheur –, pour finalement pénétrer dans la sphère de l’art. La frontière entre ces trois dimensions – utilitaire, symbolique et artistique – est cependant parfois assez mince. 

coquillage

Dès l’âge préhistorique, le coquillage – qui est avant tout un aliment de par le mollusque qu’il contient –, est utilisé comme parure ou comme matériau pour la fabrication d’ustensiles domestiques et d’armes. Parmi les coquillages marins utilisés se distinguent deux grandes familles : d’une part les gastéropodes en spirale, tels que les cauris, nautiles et conques, et d’autre part les bivalves comme les huîtres, coquilles Saint-Jacques ou moules. Plus tard, le coquillage devient pour de nombreux peuples un élément décoratif du vêtement, révélateur d’un statut social. À ce titre, il est souvent présent lors des rites de passages. Sa beauté et sa ressemblance avec certaines parties du corps humain le font ainsi participer des composantes spirituelles des civilisations anciennes. Les propriétés magiques des cauris, notamment, sont largement répandues, de leur usage comme monnaie, à leur valeur symbolique de fécondité et de sexualité. L’Antiquité attribue à la coquille une symbolique liée à la naissance de Vénus et à la beauté. Au Moyen Âge, la coquille Saint-Jacques est associée au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, revêtant ainsi une symbolique religieuse.  Les coquillages deviennent aussi peu à peu une source d’inspiration artistique, comme en témoigne le mythe de la naissance de Vénus, illustré maintes fois par les artistes. La représentation de la déesse – debout ou couchée sur un coquillage quelconque, puis, à partir de la Renaissance, sur une coquille Saint-Jacques stylisée – a été rendue célèbre par La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli. 

Les coquillages suscitent également l’intérêt des collectionneurs, entrant dans les cabinets de curiosités, ancêtres des collier coquilagesmusées, où l’on retrouve toutes sortes de « merveilles »  naturelles ou artificielles. Le coquillage devient un élément de collection par excellence, les trésors rapportés des voyages lointains devenant l’objet d’une véritable « conchyliomanie ». 

À partir du XVIIe  siècle, ils constituent un nouveau répertoire pour les natures mortes, dont le genre se développe alors en provenance des Pays-Bas. Le baroque, et surtout la rocaille et le rococo au XVIIIe  siècle, en font leur motif de prédilection. On les retrouve de l’architecture aux arts décoratifs : argenterie, céramique, verre, textile et mobilier. De même, aux XIXe  et XXe siècles, les artistes décorateurs de l’Art nouveau, comme René Jules Lalique (1860-1945), les utilisent très largement. Enfin, au XXe  siècle, du surréalisme à l’Art Brut, les coquillages continuent à fasciner. 

Aujourd’hui encore, les artistes s’emparent tant des mythes – origine, sexualité – que de l’esthétique – formes, décor – liés aux coquillages, en les questionnant à travers une grande diversité de pratiques artistiques. De la vidéo à la sculpture, en passant par la photographie, le dessin, la lithographie et la peinture, le point commun de toutes les œuvres de  l’exposition est d’utiliser les coquillages – ou les crustacés – comme matière première, qu’elle soit physique ou intellectuelle. 

Plusieurs thématiques traversent le travail des artistes présentés. La notion du corps est abordée par ORLAN et Christelle Familiari. La récupération, de la collecte à l’assemblage, est une pratique inhérente aux artistes liés à l’Art Brut, comme Paul Amar, Pascal-Désir Maisonneuve et Hippolyte  Massé, mais se trouve également à l’œuvre chez Bill Woodrow. La culture populaire survient, détournée ou assimilée, chez Patrice Carré, Hervé Di Rosa, Sybille Parant, Bernadette Genée et Alain Le Borgne, tandis que les symboles de la culture savante sont subvertis par Dali, Man Ray et Gérard Collin-Thiébaut. Divers aspects scientifiques, du paysage à l’anthropomorphisme, sont présents chez Laëtitia Bourget, Paul-Armand Gette et Didier Trenet. Enfin, Françoise Quardon et Patrick Van Caeckenbergh s’intéressent à la transformation de l’espace, du décor à l’habitat. 

À cette production contemporaine s’ajoutent des objets ethnographiques – dont certains proviennent de la collection du musée – ainsi que des coquillages. Cet ensemble permet d’évoquer les questions de collection, d’utilisation des coquillages par les individus – usage dont se saisit l’artiste Mark Brusse –, ainsi que la pratique artisanale récente. En arrière plan, la culture populaire est également évoquée. Elle foisonne de références, de la chanson de Brigitte Bardot de 1967, aux « Crabes aux pinces d’or » d’Hergé, en passant par les bibelots des boutiques de souvenirs. Enfin, la projection de documentaires de Jean Painlevé constitue une ouverture à la culture scientifique. 

Ainsi, à travers la diversité des œuvres et des objets réunis, l’exposition tend à démontrer l’importance et la portée des coquillages et des crustacés, tant pour les peuples que pour l’histoire de l’art. 

L’exposition est réalisée en partenariat avec le Musée International des Arts Modestes (MIAM) de Sète et dans le cadre de l’année de « Brest capitale maritime de la biodiversité ». Musée des beaux-arts de Brest, mai 2010.

 

Dossier pédagogique Coquillages et crustacés. Musée des beaux-arts de Brest, mai 2010.

 

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