Moule : l’huître du pauvre
Posté par othoharmonie le 19 juillet 2016
Abondantes, pas chères, peu caloriques, les moules sont au menu d’A Bon Entendeur. De septante espèces différentes, on consomme en réalité essentiellement deux espèces de moules : celles de la mer du Nord et celles de la Méditerranée.
Les moules sont tout à fait recommandables sur le plan nutritif : leur chair est maigre (70 kCal pour 100g d’aliment cru), elles sont riches en sels minéraux, en vitamines A et B12. Pendant longtemps, on a cru que les moules étaient trop riches en cholestérol, donc à bannir des régimes de tous ceux qui souffrent d’un taux de cholestérol trop haut. C’est faux ! Et de toute manière, le cholestérol alimentaire a peu d’influence sur le taux de cholestérol sanguin.
Chez Gastromer, à Genève, on travaille principalement pour des hôtels, des restaurants et des traiteurs. Ce grossiste importe et livre tous les produits de la mer, parmi eux et pas des moindres, la moule. Laurent Isoux, administrateur de Gastromer, est un vrai spécialiste de la gastronomie marine. Il nous explique : « Pour nous, les moules, c’est très important, la production a doublé en dix ans. Sur la France, on est à 90’000 tonnes l’année dernière. Et puis surtout il y a le côté économique : la moule est très bon marché. On commence par la moule de bouchot à fin juin, début juillet, et on arrête le 15 janvier pour passer à la moule irlandaise et puis à la moule de printemps. »
[DR] On consomme deux types de moules : la mytilus edulis, la moule « commune » ou « européenne » qui se trouve sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique, et la mytilus galloprovincialis, dite « d’Espagne » ou « méditerranéenne », mais que l’on peut tout de même retrouver jusqu’en Bretagne du Nord, celle-ci est plus grosse. Le terroir et la méthode de culture changent aussi l’aspect, le goût et la texture de la moule. Laurent Isoux commente : « Vous avez des cultures qui ne touchent pas le sol, comme la moule de filière ou de corde et la moule de bouchot, et des moules qui touchent le sol, comme les moules de Hollande. La moule de Hollande sera presque uniformément blanche, alors que dans les moules de bouchot, vous allez avoir des moules orangées et des moules blanches. Cela correspond à leur sexe d’ailleurs, puisque les moules orangées sont les moules femelles et les moules blanches les mâles. »
[DR] L’expression « moule de bouchot » n’indique pas un lieu, mais une méthode de culture. Les mytiliculteurs « boucholeurs » posent au printemps des cordes dans l’eau, afin de « capter » les larves de moules. Les bouchots sont des alignements de pieux verticaux découverts par la marée. Les cultivateurs y enroulent les cordes chargées des amas de bébés moules, qu’on appelle le naissain. Commencent alors les différentes phases de croissance. L’âge moyen des moules de bouchot à la commercialisation est d’environ 18 mois.
Laurent Isoux : « La moule est un produit très fragile. Nous organisons donc un arrivage journalier. On sait qu’une moule nettoyée, en vrac, va se garder de trois à cinq jours maximum, jusqu’à sept jours pour une moule sous vide. On travaille avec des producteurs qui ont des agréments européens, que l’on retrouve sur l’étiquette avec le numéro de lot, la traçabilité, la date d’emballage, la date de conservation, la température de conservation, etc. »
Laurent Isoux nous parle de la fragilité de la moule : « Il faut éviter les chocs de température. On associe souvent à tort la conservation des coquillages avec de très basses températures, mais c’est faux. Si on descend trop dans les degrés, on va faire mourir le coquillage. En fait, la température idéale de conservation est entre cinq et huit degrés. Si vous mettez vos coquillages sur la fenêtre en hiver, et qu’il gèle, vous allez les faire mourir. »
[DR] Les moules passent leur existence dans l’eau, elles sont capables de filtrer environ cinquante litres d’eau de mer par jour. Elles sont donc directement exposées à la pollution marine. Est-ce qu’en mangeant des moules, on absorbe des polluants ?
Nous avons fait analyser vingt échantillons de moules achetées en Suisse romande. On a recherché trois métaux lourds : le plomb, le cadmium et le mercure. On trouve des traces de métaux, mais très en-dessous des valeurs limites. On appelle cela du bruit de fond. Même chose au niveau bactériologique, nos échantillons étaient sains.
En fait, les producteurs et les autorités sanitaires savent que les moules sont un produit fragile et que les consommateurs sont très vigilants sur ce type de produit. Ils contrôlent la qualité de l’eau où les moules sont produites. Elles doivent aussi passer des stades de purification avant d’être commercialisées. Donc, on peut manger aujourd’hui des moules sans hésitation.
Dégustation exclusive
[DR] Bruxelles, c’est la capitale de l’Europe, mais c’est aussi une certaine idée de la convivialité, où l’on finit par oublier le ciel gris et les pavés mouillés dans de joyeuses activités d’intérieur, parmi lesquelles la bière, la bande dessinée et la casserole de moules avec des frites. Pour cette dégustation, nous sommes allés dans l’un des temples de la moule : chez Léon !
Léon de Bruxelles, friture bruxelloise, une entreprise familiale fondée en 1893. C’est Monsieur Paul, Chef Coq, 43 ans de fourneau à son actif et passé maître dans l’art d’accommoder le mollusque. C’est lui qui nous a culinairement éclairés.
Paul Vanlancker, Chef Coq, nous livre sa recette de la moule spéciale : « On prend les moules, à Bruxelles on compte un kilo de moules par personne, on y met un petit peu d’eau, on y ajoute du sel et du poivre, une bonne poignée de légumes, oignons et céleri vert émincés, et du beurre. On met à cuire quatre à cinq minutes, pas plus. Si les moules sont trop cuites, elles se dessèchent et perdent leurs qualités gustatives. Quand ça fume, on les retourne, quand ça fume à nouveau, c’est prêt. En Belgique, on n’ajoute pas de vin blanc, ça casse le goût des moules. Le vin blanc, on le boit à côté. »
Pour une dégustation digne de ce nom, la fraîcheur des moules est évidemment déterminante. Nous avons donc acheté en Suisse romande différents types de moules, en vrac, en filet, en barquette ou même surgelées, et les avons emmenées directement à Bruxelles, par avion, dans un emballage approprié. Puis, nous les avons apprêtées de la façon idoine.
Paul Vanlancker commente la préparation : « Pour bien juger de la qualité des moules, il faut les faire sans rien, au naturel, pour que chaque moule exprime son propre goût, plus ou moins salé selon les provenances, ce sont les dégustateurs qui vont décider. »
[DR] Pour déguster nos moules, nous avons réuni un panel d’experts belges distingués, avec autant de professionnalisme que d’abnégation dans certains cas !
Source http://www.rts.ch/emissions/abe/1374526-moule-l-huitre-du-pauvre.html
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