Formation de la terre végétale par les vers de terre
Posté par othoharmonie le 21 juin 2015
La Formation de la terre végétale par l’action des vers de terre, avec des observations sur leurs habitudes (titre original anglais : The Formation of Vegetable Mould through the Action of Worms, with Observations on their Habits, abréviation parfois utilisée : Worms) est le titre d’un ouvrage de Charles Darwin, dont la première édition est parue le 10 octobre 1881. Une année avant sa mort, Darwin concluait avec ce livre ses décennies d’études sur les interactions entre les vers de terre et la structure des sols, ainsi que sur le comportement de ces animaux.
Au début du xixe siècle, les vers de terre étaient considérés comme nuisibles, en particulier en dehors des sciences agraires. Les observations précises de Darwin sur leur mode de vie, ainsi que ses expériences sur leurs capacités auditives, visuelles et thermosensibles, ainsi que sur l’action de leurs réflexes conduisirent à la rapide diffusion de ses observations. Le savoir sur l’utilité des vers de terre dans l’agriculture s’imposa vite, même en-dehors des milieux spécialisés.
Sur la base de preuves de divers continents, Darwin avec l’exemple de l’écologie des vers de terre a démontré pour la première fois l’importance de la vie souterraine pour la formation des sols.
De décembre 1831 à octobre 1836, Charles Darwin prend part à une expédition scientifique sur le HMS Beagle, qui le conduit autour du monde. Immédiatement après son retour, il commence à classer les éléments, les manuscrits et les notes qu’il a rapportés de ces cinq années, et à préparer les publications envisagées. La première paraît dès février 1838 sous le titre The Zoology of the Voyage of H.M.S. Beagle. Les suites du long voyage en mer et le travail intensif sur les manuscrits endommagent la santé de Darwin au point que ses médecins lui recommandent en 1837 d’arrêter ses travaux pendant quelques semaines, et d’aller passer l’été à la campagne. Darwin passe ces semaines de vacances chez son oncle Josiah Wedgwood II à Maer Hall dans le Staffordshire.
Pendant ce séjour dans la fraîcheur de l’été, son oncle lui raconte une observation qu’il a faite peu auparavant sur plusieurs de ses prairies. Francis Darwin, le troisième fils de Darwin rappelait en 1887 que son père n’avait jamais nié par qui il avait été incité à étudier les vers de terre : « Il était reconnaissant à son oncle Josiah Wedgwood de lui avoir fait observer que les vers, quand ils ramènent de la terre à la surface dans leurs excrétions, recouvrent tous les objets posés par terre » (repris de Graff). Peu de semaines après son départ de Maer Hall, le 1er novembre 1837, Darwin présenta devant la Geological Society of London une petite contribution : On the formation of mould (« Sur la formation des sols végétaux ») …
« […] dans lequel il est montré que les petits fragments de marne, de cendres, etc. répandus en couche épaisse sur plusieurs prairies se retrouvent au bout de quelques années à la profondeur de quelques pouces de profondeur, mais tout en gardant le profil de la couche initiale. Ce plongement apparent d’objets superficiels, résulte, comme Mr. Wedgwood de Maer Hall dans le Staffordshire m’en a suggéré au début l’hypothèse, de l’accumulation d’une grande quantité d’une terre très fine, qui est apportée constamment à la surface par les vers sous la forme de leurs excréments cylindriques. Ces excréments sont tôt ou tard étalés à la surface, et recouvrent tout objet resté à la surface du sol. J’ai donc été amené à la déduction que toute la terre végétale du pays est déjà passée de nombreuses fois par les voies digestives des vers, et y passera encore beaucoup. »
L’exposé de Darwin est publié tout d’abord en 1838, rédigé par un auteur inconnu, dans les Proceedings of the Geological Society of London, puis en 1840 par Darwin lui-même, dans une version retravaillée et complétée, dans les Transactions of the Geological Society. Une faute d’impression dans cette deuxième publication conduit Darwin à faire une petite communication en 1844 dans laGardeners’ Chronicle and Agricultural Gazette, sous le titre On the Origin of Mould
Ce n’est que dix ans après la publication de son ouvrage majeur L’Origine des espèces et qu’il a commencé son travail sur La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe qu’il recommence, en 1869, à s’occuper de l’importance des vers de terre pour la formation de la terre végétale. Le déclencheur en est une critique de son article de 1844 dans la Gardener’s Chronicle :
« En 1869, M. Fish a rejeté mes déductions concernant le rôle que les vers jouent dans la formation de la terre végétale, et ce pour l’unique raison de leur supposée incapacité à accomplir ce travail. Il remarque : « eu égard à leur faiblesse et à leur petite dimension, le travail qu’ils auraient accompli selon cette conception serait étonnant ». […] Bien que ces objections ne m’apparaissent avoir que peu de poids, je me suis décidé à entreprendre une série d’observations supplémentaires de la même nature que celles déjà publiées[…] »
De trois lettres de la nièce de Darwin, Lucy Wedgwood, il ressort que celle-ci a dès mai 1870 fait des observations sur les activités de vers de terre qu’elle gardait apparemment dans des récipients ; cependant, ce n’est qu’à partir de l’hiver 1870/71 que l’on peut avoir la preuve d’un tas de dessins de Darwin sur ce thème. Ce n’est qu’en 1983 que Graff a attiré l’attention sur ce point, après un réexamen des documents originaux laissés par Darwin.
Pendant les dix années suivantes, Darwin rassemble tous les écrits possibles sur les vers de terre, demande en des lieux éloignés dans le monde des collections d’échantillons, ou tout au moins des descriptions précises des excréments, et conduit de son côté de nombreuses expériences. Le manuscrit est terminé enfin à la fin de mai 1881 ; l’édition du livre est retardée jusqu’à octobre 1881, parce que l’éditeur anglais de Darwin s’attache à le faire paraître simultanément en Angleterre et aux États-Unis.
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