Capturé pour ses plumes, apprécié pour sa chair, recherché pour sa compagnie, le perroquet a souvent souffert de son succès auprès des hommes : certaines espèces ont déjà disparu, d’autres déclinent, et cet oiseau grégaire, très attaché à sa vie de couple, se retrouve fréquemment seul en captivité.
Un engouement de longue date…
L’usage décoratif et rituel des plumes de perroquets pour la réalisation de parures et surtout de coiffures est très ancien et très répandu parmi les populations indigènes, notamment chez les tribus indiennes d’Amérique équatoriale et tropicale. L’ara, qui fait son nid au sommet des arbres ou de rochers abrupts, est considéré comme un avatar du feu céleste. Ses longues plumes rouges sont des symboles solaires. La quête de ces plumes est certainement l’une des raisons qui ont poussé les Incas à pénétrer dans les forêts de l’est du Pérou.
En tant que compagnons, les perroquets ont été appréciés par l’homme depuis des milliers d’années. Mais, s’il est possible de déterminer approximativement l’époque à laquelle le monde occidental s’est intéressé à ces oiseaux exotiques, on est en revanche incapable de préciser quand les Indiens d’Amérique du Sud ont commencé à capturer des perroquets pour en faire des animaux familiers. Dans une étude sur la question, K. Kolar indique que les premiers perroquets à être amenés vivants en Europe le furent, sans doute, au ive siècle avant J.-C., par un des capitaines de la flotte d’Alexandre le Grand, appelé Onésicrite, lorsqu’il revint de l’expédition vers l’Indus. Ces oiseaux étaient des perruches à collier (Psittacula eupatria), que l’on rencontre en Inde et dans le sud de l’Asie et qui portent également le nom évocateur de perruches d’Alexandre. Par la suite, les perroquets, comme le jaco, ou perroquet gris d’Afrique, ne cessèrent de jouir d’une grande popularité auprès des Grecs, puis des Romains. Pline l’Ancien les mentionne dans ses écrits et donne même des conseils pour leur apprendre à imiter la parole humaine ; la méthode est quelque peu brutale, elle consiste à taper sur la tête de l’animal avec « un bâton aussi dur qu’un bec de perroquet » !
À l’époque, les perroquets n’étaient pas seulement appréciés pour leurs qualités esthétiques ou leurs talents d’imitateurs, mais également pour leur valeur… culinaire. Les festins se devaient en effet de comporter des mets rares et surprenants pour témoigner de la puissance du maître de maison. L’empereur Élagabal, dont le règne (218-222) fut marqué par la débauche, faisait servir à ses invités des têtes de perroquets pour qu’ils se régalent de leur cervelle. De même, sa troupe de lions recevait des perroquets en pâture.
Les échanges commerciaux avec le Moyen-Orient et les croisades firent croître au Moyen Âge l’importation de ces oiseaux colorés. Ainsi, au Vatican, les perroquets détenus en captivité au début du xve siècle étaient suffisamment nombreux pour qu’existe la charge de custos papagalli (« garde-perroquets »). À partir de la fin du xve siècle, les voyages d’exploration dans le Nouveau Monde permirent d’accroître les disponibilités en perroquets. Les aras, notamment, furent souvent représentés sur des tableaux comme ceux du peintre flamand Savery.
À propos des perroquets du Nouveau Monde, K. Korla cite deux curieuses anecdotes. La première veut que Christophe Colomb ait été amené à modifier sa route et donc à atteindre le nouveau continent en apercevant une volée de perroquets signalant la proximité de la terre… La deuxième, qui rappelle singulièrement l’histoire des oies du Capitole, raconte comment les habitants indigènes d’un village du Panamá furent prévenus de l’arrivée imminente des envahisseurs espagnols par les cris de perroquets apprivoisés.
Les espèces australiennes ne furent connues, très progressivement, qu’après les voyages des premiers explorateurs, à partir du début du xviie siècle. La perruche ondulée, l’un des oiseaux de cage les plus répandus actuellement, ne fut importée en Europe qu’assez tardivement. L’espèce ne fut décrite et nommée qu’en 1794. En 1831, une perruche empaillée fut rapportée à Londres. Le célèbre ornithologue John Gould réussit à en faire venir quelques exemplaires vivants dès 1840. Dix ans plus tard, le jardin zoologique d’Anvers, en Belgique, se lançait dans l’élevage des perruches ondulées. L’entreprise ayant été couronnée de succès, d’autres tentatives eurent lieu et, peu à peu, tous les pays d’Europe se mirent à importer ces perruches par millions. Depuis, la reproduction en captivité s’est généralisée.
L’ampleur du trafic
Le goût du public et la sympathie suscitée par les perroquets ne doivent pas masquer les énormes problèmes qu’entraîne le commerce de ces oiseaux. L’inquiétude légitime est encore accrue par l’existence d’un florissant commerce parallèle, à l’échelle mondiale. La convention de Washington sur le commerce international des espèces menacées a placé en annexes I ou II la totalité des psittaciformes, à l’exception de la perruche à collier rose (Psittacula krameri), de la perruche callopsite (Nymphicus hollandicus), de la perruche ondulée (Melopsittacus undulatus) et de la perruche à face rose (Agapornis roseicollis). Ainsi, la quasi-totalité des perroquets sont interdits à la vente, sauf dérogations exceptionnelles, et totalement protégés (annexe I), ou soumis à de strictes réglementations (annexe II). Parmi les espèces totalement protégées figurent notamment l’ara macao, l’ara de Lear et l’ara de Spix. Malgré ces dispositions internationales, de nombreuses espèces de perroquets sont placées dans une situation critique par les trafiquants. Entre 1996 et 2002, environ 1, 6 million de perroquets ont été importés par les pays européens, dont environ 600 000 perruches du genre Agapornis, 200 000 perroquets africains du genre Poicephalus, 170 000 perroquets gris du genre Psittacus, 142 000 perruches du genre Psittacula et 120 000 amazones. Les volumes conjugués du commerce et du trafic mondiaux atteignent des proportions inquiétantes. L’ampleur du trafic illégal est difficile à estimer si ce n’est par le nombre de saisies. Ainsi, malgré l’adoption du Wild Bird Conservation Act en 1992, quelque 1 500 perroquets mexicains, dont certains rares et protégés, ont été saisis aux États-Unis selon l’U. S. Fish & Wildlife Service’s (FWS) entre 1992 et 2005. Les prises sont fréquentes comme l’illustrent les recensements du réseau TRAFFIC. En Europe, ce commerce s’est également développé, par exemple en République tchèque et en Slovaquie où, entre 2 000 et 2002 plus de 400 perroquets ont été saisis, parmi lesquels des espèces inscrites à l’annexe I de la Convention de Washington comme le cacatoès des Moluques et l’Amazone de Cuba, très difficiles à trouver sur le marché et qui peuvent atteindre un prix très élevé. L’ampleur du problème est telle que les pays concernés sont souvent dépassés par les événements. Les trafiquants ne manquent pas d’astuce pour exercer leur coupable activité. J.-P. Le Duc, dans un rapport sur cette question, signale notamment la technique dite du « couloir central » : « Au milieu d’une caisse destinée au transport d’oiseaux, on installe une autre caisse où l’on cache la marchandise prohibée. La grande caisse est ensuite remplie de petits oiseaux granivores dont le commerce n’est pas interdit. Au passage de la douane, la caisse principale ne pouvant être ouverte sans risque de faire s’envoler tous les oiseaux, personne ne pourra remarquer l’astucieuse cachette. »
Il faut ajouter que, parfois, les douaniers ne disposent pas des connaissances suffisantes pour identifier à coup sûr certaines espèces. Pour pallier cette carence, bien excusable lorsque l’on connaît les difficultés d’identification que peuvent présenter de nombreux perroquets, le poste de douane de l’aéroport de Roissy a été doté d’un terminal informatique relié à une banque de données qui leur facilite les identifications et leur indique les dispositions à prendre pour le respect de la législation internationale en vigueur. Pour obtenir des résultats probants, il faut que les pays importateurs prennent des mesures efficaces. En juin 2007, la Commission européenne a adopté une recommandation afin de renforcer la lutte contre le commerce illégal d’espèces animales menacées. À travers le monde, de nombreuses actions ont été entreprises pour tenter de protéger les perroquets menacés. Des parcs et des réserves ont été créés, des programmes d’élevage en captivité visant à reconstituer les effectifs dans les cas les plus critiques – comme ceux des espèces insulaires en voie de disparition – ont été mis au point.
Le prix d’un perroquet
Sur le marché légal, le prix d’un perroquet varie en fonction de l’âge et de l’espèce allant, par exemple en France, de 800 € pièce pour un perroquet gris du Gabon adulte à 3000 € pour un jeune ara chloroptère. Si les trafiquants écoulent le plus souvent leurs spécimens à des prix inférieurs à ceux du marché pour amadouer les revendeurs, un perroquet d’une espèce rare peut atteindre un prix bien supérieur.