La Chair de la Salamandre
Posté par othoharmonie le 8 février 2015
Quatrième de couverture:
Mai 1221.
Un échafaudage s’écroule : deux morts (dont une poule imprudente). Le vent a tué, prétend aussitôt la rumeur…
Un architecte meurt noyé et étranglé (ou l’inverse), et l’eau a tué… Un artisan est étouffé par une poignée de terre, et la terre tue à son tour… Un incendie criminel et meurtrier se produit, et l’on accuse le feu… Ce que nul ne peut imaginer, en revanche, c’est qu’il existe bel et bien un cinquième élément et qu’il commande peut-être à tous les autres. Mais que diable pourraient en connaître le capitaine Mord-boeuf, le tavernier Tranche-tripe, le routier Tape-buisson ou le gabarrier Rince-fût, et autres personnages qui, pour être parfois fort inquiétants et dangereux, n’en sont pas moins complètement loufoques ?
Sur fond d’humour (noir évidemment), crimes sanglants, situations burlesques et dialogues absurdes se succèdent ici, tandis que le drame se joue et que le maître des Enfers rôde, à la recherche de proies…
avis:
Parce que se contenter du terme « Waouhhh » ne suffirait pas et, surtout, ne ferait pas sérieux, je vais étoffer un peu plus mon ressenti face à ce livre.
Un grand auteur est, pour ma part, quelqu’un qui arrive à différencier son style selon le genre de récit qu’il veut nous faire partager. Certains se confinent ainsi au polar ou au roman basique sans jamais en changer. D’autres, comme Jean-Louis Marteil, jongleront entre essais, romans, romans historiques ou romans noirs avec une facilité déconcertante. La richesse de la langue, l’aisance du style, l’écriture toujours ponctuée d’humour – « sa patte » – viennent s’ajouter à la finesse des descriptions, des détails, aux portraits des personnages et à leur truculence. Le lecteur se laisse prendre dans ce tourbillon de culture avec bonheur. Car, comme à chaque fois, l’auteur s’est documenté, n’a rien laissé au hasard.
Ce roman noir nous offre, non pas l’image des moines comme dans la trilogie, mais celle d’un métier peu aimé: l’usurier. Associé à l’image de la salamandre, animal diabolique dans l’imaginaire médiéval, on peut facilement imaginer le ton et surtout le fil directeur que va prendre le texte. On découvrira également que tout le récit est structuré autour des quatre éléments constituant le monde: Le vent, l’eau, la terre, le feu… Cependant, n’en déplaise à Gaston Bachelard, Jean-Louis Marteil en ajoute un cinquième (qui n’est pas l’éther, celui qu’on a l’habitude de rajouter justement), et pas des moindres…
Aux différents portraits, celui de Bertrand de Vers, de Domenc, de Braïda, de Pèironne (la maîtresse-femme !), de Maurina, de Matteo Conti et j’en passe, viennent s’ajouter ceux de Mord-Boeuf, de Tranche-tripe, de Tape-Buisson, de Rince-fût ou du sergent Pasturat. Le sérieux et l’humour sont étroitement imbriqués… Quant à celui qui se fait appeler « Messire »…
Des morts surviennent, inattendues. On accuse alors les éléments, ce qui est typique de l’imaginaire médiéval, tout en sachant qu’un être de chair et de sang est tapi dans l’ombre…
Le scénario est ficelé avec brio. On l’aura compris, ce roman est un pur bijou, tant par son côté historique que par le suspens qui en découle. Courez vite chez votre libraire !
Je tiens à remercier Jean-Louis Marteil pour ce cadeau inattendu.
Extrait:
« Mon ami ! Que vient-on de m’apprendre ? »
Domenc fit un incroyable bond de côté, au risque de disparaître dans les abysses menaçants de la cave, et là-bas, tout au fond, la torche réapparut d’un coup, droite telle une exclamation.
Interloqué, le commis se demanda si Bertrand n’avait pas réveillé un dragon infernal. En réalité, ce qui venait une nouvelle fois de lui hacher menu les oreilles était la petite phrase traditionnellement prononcée par Pèirone quand elle déboulait quelque part. Ce « mon ami » roulait comme une charge de cavalerie. Quant à la question qui suivait, c’était celle par laquelle la dame entendait affirmer son statut d’épouse soumise à qui on ne dit jamais rien. Sauf qu’elle savait toujours, avant tout le monde et sur tout le monde, elle savait les secrets intimes du dernier des consuls et, les soirs de grande colère, elle prétendait en savoir assez pour faire pendre l’Évêque et tout le Chapitre. Enfin, si elle ignorait quelque chose, elle l’inventait, et cela faisait même usage.
Remis de son émotion, Domenc se rapprocha de dame Pèironne…
« Ma dame », dit-il sur un ton d’inquiétude un peu forcé, « vous allez prendre froid !
- Et pourquoi donc, mon ami ? » répondit la femme…
« Je ne suis point comme vous, les hommes, qui geignez au moindre coup d’épée, et je ne prends froid que si je le décide ! »
Publié par Lydia
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