Défenses de territoires par les Otaries mâles dominants
Posté par othoharmonie le 11 janvier 2015
À la fin du mois de novembre (fin du printemps austral), les mâles sont les premiers à arriver sur les colonies de reproduction. C’est à ce moment que les grands mâles établissent leurs territoires sur lesquels ils accueilleront les femelles.
Dans un premier temps, tous les jeunes adultes et les juvéniles sont chassés de ces territoires. Fréquemment, chez les espèces où un mâle constitue un harem de femelles, les mâles se mesurent les uns aux autres lors de confrontations directes pour maintenir leur statut de dominant et leur territoire. Soit deux mâles se combattent violemment ; soit, le plus souvent, les mâles se livrent à des parades ritualisées destinées à décourager les rivaux potentiels. Ces parades consistent à parcourir leurs petits territoires en émettant des vocalisations et en se mesurant les uns contre les autres aux niveaux des limites de ce territoire.
Ce sont les points au niveau desquels les mâles vont s’affronter qui vont définir les limites du territoire d’un mâle, ainsi que certains reliefs, comme des rochers plus gros que les autres.
Les mâles se mesurent les uns aux autres d’une façon très intense, ce sont de grandes démonstrations d’agressivité. Les deux mâles, impliqués dans un affrontement, se font face bruyamment, la mâchoire ouverte, prêt à attaquer (ou à fuir) si l’un des deux protagonistes franchit la frontière défendue. Ce type de face-à-face est très fréquent mais les affrontements physiques sont rares.
Lors du combat, les deux mâles essayent de se mordre à la gueule, au cou, aux nageoires antérieures et à toute partie qu’ils pourraient attraper. Le plus souvent, les deux mâles qui s’affrontent, s’attrapent réciproquement au niveau du cou, mais ne peuvent maintenir la prise à l’aide de leurs mâchoires. Ainsi, l’affrontement se termine rapidement par un retour au statu quo. Chaque mâle s’en sortant avec des plaies légères et quelques poils perdus, dispersés aux vents.
Mais, si l’un des deux mâles parvient à maintenir sa prise, il secoue la tête violemment de gauche à droite, utilisant la puissante musculature qu’il possède au niveau du cou pour infliger de profondes balafres. Les morsures au niveau de la gueule et des nageoires antérieures sont également très dangereuses, provoquant de profondes entailles.
Ainsi, chaque mâle qui établit un territoire en interdit l’accès à tout autre mâle et cela pendant toute la période des accouplements qui dure deux mois environ. La réussite de ce contrôle exclusif va dépendre de différents facteurs comme l’âge, la taille, la capacité à se battre du mâle mais également sa capacité à tenir un jeûne très long. Car pendant toute la période où un mâle défend son territoire, il ne se nourrit pas. Ainsi, des durées maximales de jeûne de 60 à 70 jours ont été citées chez de nombreuses espèces d’otaries, il semble que les mâles de l’otarie subantarctique ne dérogent pas à cette règle.
On peut penser que les mâles ont un accès exclusif à la reproduction avec les femelles qui ont choisi leurs territoires pour mettre bas et élever leurs petits. En protégeant son territoire des autres mâles, un mâle s’assure qu’il sera le seul à proximité des femelles au moment de l’œstrus. Il sera donc le seul à pouvoir s’accoupler avec elles.
Cependant, plusieurs études nuancent l’idée d’un accès exclusif à la reproduction pour les mâles détenteurs d’un territoire chez les espèces d’otariidées.
Gemmell et ses collaborateurs (2001) ont réalisé une étude de paternité à l’aide d’outils de biologie moléculaire sur l’otarie antarctique (Arctocephalus gazella). Les résultats de cette étude indiquent que 70 % des petits nés sur le site d’étude n’ont aucun lien génétique de parenté avec les mâles qui maintenaient un territoire sur la même colonie l’année précédente. Les auteurs suggèrent l’existence d’accouplements aquatiques avec des mâles patrouillant à proximité des colonies. Ces accouplements aquatiques étaient jusqu’à présent considérés comme anecdotiques pour cette espèce ; les conclusions de cette étude montrent que leur importance est beaucoup plus importante.
Francis et Boness (1991) ont étudié les comportements sociaux de l’otarie de Juan Fernandez (Arctocephalus philippii). Dans l’archipel de Juan Fernandez, la température de l’air atteint, dans l’après-midi, des températures trop élevées pour les otaries, qui sont des animaux adaptés pour plonger dans les eaux froides. En réponse à cette augmentation de température, une partie des femelles quittent les plages et les territoires protégés par les mâles pour aller se rafraichir dans l’eau. Ainsi 30 % des femelles passent l’après-midi à se rafraichir et à se toiletter à l’abri dans des baies protégées. À Juan Fernandez, on observe que les mâles établissent classiquement des territoires directement sur le rivage (39 %), sur des territoires sans accès direct à la mer (45 %) mais également (dans 16 % des cas) des territoires complètement aquatiques qui recouvrent les zones où les femelles viennent nager pour se rafraichir. Sur ces territoires aquatiques, Francis et Bones ont observé que les mâles réalisent avec succès autant d’accouplement avec des femelles que peuvent en réaliser les autres mâles sur les plages.
Ces deux études indiquent une grande plasticité des comportements reproducteurs chez les espèces d’otaries. Si la parturition se fait obligatoirement sur la terre ferme, l’étude de Francis et Boness (1991) montre que les accouplements se réalisent sans problème en milieu aquatique. De plus, l’étude de Gemmell et collaborateurs (2001) semblent indiquer que ce comportement n’est pas réservé uniquement aux espèces s’accouplant sous des latitudes proches des tropiques mais également sous des latitudes plus froides. Aucune étude recensant des accouplements aquatiques n’a été publiée pour l’otarie subantarctique. Cependant deux points importants font qu’il est réaliste d’envisager l’existence de tels accouplements : la présence d’importantes colonies de reproduction à des latitudes élevées, avec les contraintes de thermorégulation qui en découlent ; et le fait que l’ovulation a lieu à peu près au même moment que le premier départ en mer des femelles.
Si les otaries femelles ne chassent que la nuit, c’est parce que leurs proies se réfugient dans les grandes profondeurs pendant la journée. En effet, les petits poissons et les crustacés pélagiques se nourrissent du plancton en surface. Mais pour échapper à leurs prédateurs qui chassent à vue, ils se réfugient dans les profondeurs pendant la journée et ne remontent se nourrir près de la surface que la nuit pendant laquelle leurs chances de survie sont beaucoup plus importantes. Perissinotto, McQuaid et Pakhomov l’ont montré dans deux études publiées en 1992 et 1994, et réalisées respectivement à proximité de l’archipel du Prince Édouard dans l’océan Indien et dans l’Atlantique au large de l’Afrique du Sud. À l’aide de sonars et de chaluts, ils ont recherché la position des poissons et crustacés pélagiques dans la colonne d’eau en journée et la nuit. Ils ont montré que les crustacés (du krill principalement) et les poissons (majoritairement représentés par les myctophidés) effectuent des migrations verticales nycthémérales. Ces animaux se réfugient pendant la journée à des profondeurs comprises entre 200 et 400 mètres ; la nuit ils remontent vers la surface pour se nourrir et on les trouve principalement entre 0 et 100 mètres de profondeur
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