Les hommes et les rhinocéros
Posté par othoharmonie le 4 décembre 2014
Si un homme rencontre par inadvertance une femelle avec son petit, il peut en résulter une attaque, qui est parfois mortelle. L’homme constitue cependant pour le rhinocéros indien une menace beaucoup plus grande que l’inverse. Jusqu’au xviie siècle, on trouvait ce dernier en abondance dans des régions qui appartiennent aujourd’hui au Pakistan, au Népal et à l’Inde. Par la suite il s’est vu repoussé, surtout par l’assèchement des marais visant à étendre toujours plus à l’est les surfaces utilisables par l’agriculture. Les rhinocéros ont fini par se retirer jusqu’aux versants sud de l’Himalaya et dans les bras éloignés du Gange.
La chasse
Au xixe siècle, quand l’espèce était déjà devenue rare du fait de la destruction de son habitat, le tourisme de chasse est devenu très populaire chez les Européens. Ceux-ci pourchassèrent les derniers rhinocéros. Vers le milieu du xixe siècle, certains officiers britanniques affirmaient en avoir tué plus de 200. En outre, le gouvernement colonial indien (britannique) accordait une prime pour chaque rhinocéros indien tué, ces animaux étant censés détruire les plantations de thé.
Aujourd’hui, le braconnage reste un grand problème, puisque la corne du rhinocéros indien est utilisée en Extrême-Orient dans la médecine traditionnelle chinoise, ainsi qu’au Yémen pour la fabrication des gardes de poignards traditionnels (le jambia) des classes dominantes. Les prix payés sont élevés, surtout pour des zones assez pauvres, au point qu’un trafiquant peut gagner jusqu’à 15 000 dollars pour une seule corne passée en contrebande en Chine (les braconniers eux-mêmes gagnent moins d’argent : aux alentours de 5 000 dollars vers 2000). Avec l’accroissement du nombre de garde-chasse, l’Inde et le Népal essaient avec un certain succès de venir à bout de ce problème. Mais de 1986 à 1995, on estime qu’environ 500 animaux ont été tués illégalement (450 en Inde et 50 au Népal), d’après le rapport de l’UICN de 1997 citant Martin (1995) et Menon (1996). Entre 1998 et 2000, il y a encore eu au moins 34 bêtes abattues rien que dans le parc népalais de Chitawan, ou la situation semble cependant s’améliorer depuis une réorganisation.
Au début du xxe siècle, il ne restait pas plus de 100 à 200 rhinocéros vivants. C’est en 1910, alors que la disparition de l’espèce paraissait imminente, que la chasse fut interdite par le gouvernement impérial britannique et que furent aménagées des zones de protection. Les plus grandes se situent dans le parc national de Kaziranga, en Inde, et dans le parc national de Chitawan, au Népal. Aujourd’hui, il subsiste 1 500 rhinocéros indiens à Kaziranga, population qui s’est reconstituée à partir de la douzaine d’individus recensés en 1908. Il y en a 600 au Népal, essentiellement à Chitawan, où ils n’étaient qu’une soixantaine vers 1960, et environ 400 dans d’autres régions indiennes.
En Inde, les lois nationales sont complétées par des règlements régionaux, comme le Assam Rhinoceros Preservation Act de 1954 ou le Bengal Rhinoceros Preservation Act de 1932.
La protection de l’espèce est un incontestable succès. À l’extrême limite de l’extinction au début du xxe siècle, l’espèce a opéré un spectaculaire rétablissement. De nombreux problèmes subsistent cependant. Outre le braconnage, déjà cité, le nombre total des animaux reste trop limité pour assurer la pérennité de l’espèce à long terme : il doit encore augmenter. Les populations de rhinocéros indiens sont par ailleurs trop localisées, dans un nombre trop restreint de zones : quatre parcs nationaux concentrent plus de 90 % des individus, ce qui rend l’espèce très vulnérable à des problèmes locaux (épidémies, catastrophe naturelle, guerre, …). La taille trop réduite de ces parcs explique la tendance régulière des rhinocéros indiens à sortir de leurs territoires réservés pour empiéter sur les zones humaines, dévorant les cultures et entraînant des conflits avec les agriculteurs. Ces animaux migrants sont aussi plus facilement victimes des braconniers, les patrouilles anti-braconnage étant moins nombreuses à l’extérieur des parcs nationaux. La rupture des échanges de gènes entre les différents centres de peuplement entraîne enfin des problèmes de consanguinité et de dérive génétique. L’enjeu des prochaines décennies serait donc d’augmenter le nombre et la taille des territoires où vivent les rhinocéros indiens, mais la croissance démographique humaine des régions concernées ne rend pas cet objectif aisé à atteindre.
Conscient du problème, les autorités népalaises mènent des opérations de translocation depuis 1986. Des animaux ont ainsi été transférés depuis le parc de Chitawan vers le parc national de Bardia, d’où les rhinocéros avaient disparu depuis des décennies. Treize animaux ont été relocalisés en 1986, 25 en 1991, 4 en 1999 et 16 en 2000. En 2003, le WWF a transféré de nouveaux rhinocéros du parc de Chitawan vers d’autres parcs du pays, comme le parc national de Sulkhlaphanta, afin d’améliorer l’emprise géographique de l’espèce.
Une tentative ancienne de réintroduction dans le parc pakistanais de Lal Sohanra semble être un échec. En 1982, le Népal a donné un couple au parc, mais celui-ci, toujours vivant, ne s’est pas reproduit. L’introduction d’au moins une femelle supplémentaire est envisagée.
Comme le rhinocéros blanc est moins agressif que le rhinocéros noir, on peut s’approcher de lui jusqu’à 10 m sans qu’il attaque. C’est pourquoi il est plus facile à chasser.
En 1893 on croyait l’espèce du Sud exterminée avant qu’on trouvât dans le Natal une petite population résiduelle de 10 à 20 animaux (20 en 1885 d’après l’UICN). Tous les rhinocéros blancs actuels en descendent. Depuis lors, la population de la réserve d’Hluhluwe-Umfolozi Game s’est accrue régulièrement, passant de 1 000 têtes en 1970 à 2 000 en 1980, à 4 000 en 1990 pour atteindre en 2001 le chiffre de 11 000. Aussi l’UICN a-t-elle rangé maintenant les rhinocéros blancs du Sud parmi les espèces presque sauvées. 95 % de tous les rhinocéros blancs vivant en liberté se trouvent sur le territoire de l’Afrique du Sud ; par ailleurs, un groupe a été introduit au Kenya, où il n’y avait jamais eu aucun rhinocéros blanc.
C’est en 1903 que, pour la première fois, on a décrit scientifiquement un rhinocéros blanc du Nord. Ils étaient alors encore nombreux. Les braconniers ont réussi en quelques décennies à exterminer partout cette population, sauf dans le Parc national de Garamba où en 1963 mille individus vivaient encore, sévèrement protégés. Malheureusement à cette époque la demande de cornes a fortement augmenté à cause des prétendues vertus médicinales que lui attribuait la médecine chinoise traditionnelle (TCM) et à la vogue des poignards en corne de rhinocéros dans les classes supérieures du Yémen, comme marque de standing et symbole de virilité. Comme les acheteurs d’Extrême-Orient et du Yémen étaient prêts à payer des sommes folles pour les cornes exportées en fraude, le braconnage est devenu une activité lucrative malgré le risque d’être condamné. La stabilité politique relative de l’Afrique du Sud a permis que les rhinocéros blancs fussent protégés efficacement contre le braconnage, mais le Zaïre (par la suite République démocratique du Congo) ne pouvait rien faire d’efficace. La guerre civile qui depuis 1997 y fait rage rendait presque impossible les mesures de protection. Un comptage en 2002 n’a plus trouvé que 27 rhinocéros blancs dans la réserve de Garamba. D’après les indications de l’UICN, le domaine n’est plus menacé actuellement (2004) par la guerre civile et les garde-chasse peuvent de nouveau agir contre les braconniers ; mais comme cette situation peut changer d’un instant à l’autre, cette sous-espèce est considérée comme en grand danger (critically endangered) et se trouve au bord de l’extinction.
Comme le rhinocéros blanc du Nord est menacé par la réduction de son habitat et le braconnage, et depuis peu par la rébellion janjaweed au Darfour, des défenseurs de l’environnement ont proposé en janvier 2005 d’amener par pont aérien au Kenya les rhinocéros blancs qui restent à Garamba. Malgré l’approbation officielle obtenue d’abord, on a voulu y voir une ingérence étrangère au Congo, ce qui a repoussé l’opération jusqu’au début de 2006. Début mai 2009, le zoo de Dvůr Kralové (petite ville de Tchéquie) donne son accord pour le transfert de quatre rares rhinocéros blancs du nord vers la réserve Ol Pejeta Conversanci au Kenya. Les animaux arrivent le 19 décembre 2009 malgré les doutes de certains scientifiques sur l’acclimatation au climat africain après s’être habitué à l’alternance de l’hiver européen.
Le rhinocéros blanc est classé par la CITES en annexe I (protection maximale), sauf les populations d’Afrique du Sud et du Swaziland, qui sont classées en annexe II.
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