A l’époque où on dressait les Puces
Posté par othoharmonie le 29 septembre 2014
On a bien attelé des éléphants, mais, « Qui peut le plus ne peut il pas le moins ? » alors, pourquoi ne pas atteler des puces ? On dit que déjà, dans l’Ancienne Egypte, des amuseurs publics auraient présenté des puces dressées…mais, c’est au XVIIIème siècle qu’apparaissent les premiers « mini-cirques » présentant des puces savantes capables d’exécuter de nombreux tours et, entre autres, de tirer des charges.
Nous sommes à l’époque des « cabinets de curiosités » et, jouant sur le goût de l’époque, des saltimbanques imaginatifs, qui tous se faisaient appeler Maitre ou Professeur, créèrent de petits cirques, tenant souvent dans une valise, et dont les « artistes « étaient des puces qu’ils dressaient, disaient ils, « comme on dompte les fauves , et cela « sous les plus grands des petits chapiteaux du monde ! »
Au XIXème puis au XXème siècle, ils seront des dizaines à parcourir l’Europe et le Nouveau Monde : Acme flea circus, Bertolotto (1833) Buckland (1891) Heckler (1930) Chester (1935), George Tollerton (1935) Alfred Testo (1950) Michael et Richard Bentine (1950) Ballantine (1958) Heckler fils (1958) Tomlin (1976) Likonti’s, (1920). William & Elsi Torp (1920) qui installent leur cirque dans les jardins de Tivoli à Copenhague, leur fils assurera leur succession jusqu’ en 1965. Entre temps il se sera produit à Atlantic City (New jersey), et terminera sa carrière à Ténériffe aux Canaries en 1970.
A côté des itinérants, se produisant dans les baraques foraines, parcs d’attractions et foires, certains cirques sont installés de façon permanente, à Londres au 238 Régent Street, à Copenhague dans Tivoli Gardens, dans de grandes villes aux USA : en Alaska, au Texas, à New York, en Floride. En France, il semble que des cirques étaient installés, à Paris et à Nice, mais les documents sont rares.
Les actrices
Les puces, qui vont être les artistes de ces spectacles, sont de l’espèce pulex irritans, puce spécifiquement adaptée à l’espèce humaine. Elles ont été choisies pour leur taille et leur puissance. Il s’agit d’insectes de 4 à 8 mm de long, dépourvus d’ailes, piqueurs et hématophages (ne consommant que du sang humain), de couleur brune, aplatis latéralement et disposant de trois paires de pattes dont la dernière, très développée, les rend aptes au saut.
Leur tête et leur thorax portent des peignes, des épines et ou soies cornées dont la répartition permet l’identification des espèces, très nombreuses. Enfin leurs pattes portent des crochets qui faciliteront leur accroche au cours des exercices qu’elles devront effectuer.
Elles pèsent de 0,5 à 1 milligramme, selon qu’elles soient gorgées ou non, et peuvent tirer de 500 à 1000 fois leur poids. Une puce vit de 1 à 2 ans selon les conditions ambiantes (température, humidité, nourriture).
S’il est une expression courante grossièrement erronée c’est bien : « faire un saut de puce », pour désigner un faible déplacement, car, en réalité, les puces sont les championnes incontestées du saut en hauteur, avec des bonds de plus de 20 cm, (record à 48 cm) ce qui, rapporté à l’échelle humaine, équivaudrait à sauter par-dessus la Tour Eiffel ! Enfin, une puce peut effectuer jusqu’à 600 sauts en une heure. Ces bonds fabuleux sont réalisés grâce à une protéine élastique : la résiline, présente dans les muscles des cuisses et qui accumule l’énergie, comme dans une catapulte, lors du relâchement, la propulsion se fait avec une très forte accélération, vers le haut. (140G ont été enregistrés !)
Dans les premiers temps, les entrepreneurs de spectacles s’approvisionnaient en puces auprès des vagabonds et des clochards dont l’hygiène douteuse favorisait la croissance des petites bêtes, mais , avec le temps et l’apparition des aspirateurs, l’offre devint rare et les prix augmentèrent ; En 1935, Professeur Chester payait 2 shillings la douzaine de puces, en 1950, Professeur Testo dit payer 6 shillings, en 1976 l’inflation galopante voit les puces valoir une demi couronne pièce ! ( soit 2,5 shillings). Les difficultés d’approvisionnement obligèrent les cirques à se sédentariser, car la mortalité importante des artistes imposait un renouvellement fréquent, impossible en voyage ; (certains recevaient leurs puces par la poste dans des enveloppes, encore fallait il que le coup de tampon oblitérateur du postier ne frappe pas au mauvais endroit !). Les puces devant prendre deux repas sanguins par jour pour vivre, c’est sur l’avant bras du propriétaire que les repas étaient servis et duraient un bon quart d’heure … (c’est le principe du « boy piqure » utilisé naguère en Afrique pour les expérimentations sur les moustiques vecteurs du paludisme).
Les « cirques » se présentaient sous globe ou dans de petites valises et c’est sur les affiches que le programme du spectacle était détaillé et illustré. On y voyait : danseuses avec orchestre, trapézistes, danseuse sur corde, cracheuses de feu, jongleuses , équilibristes plongeuse de haut vol, puce canon ,saut dans le cercle de flammes, des escrimeuses, Samson l’hercule, des personnages historiques à cheval et en costume : les trois héros de Waterloo : Napoléon, Blücher, Wellington, des scènes domestiques ,des batailles, les Champs Elysées, ainsi que des véhicules variés, animés ou tractés par des puces : moulin à trépigneuse, coach, char antique, landau, corbillard, tricycle ,ballons, grand bi, canon, petit train, ou encore :tirer une chaînette d’argent de 200 maillons avec crochet à une extrémité, cadenas et sa clef à l’autre, faire rouler une grosse boule, dérouler un tapis etc.…. Les spectateurs, une vingtaine au maximum, pouvaient louer des loupes, pour ne rien rater du spectacle.
Tous les accessoires étaient fabriqués, parfois en ivoire, par des modélistes et orfèvres qui s’efforçaient de diminuer le poids autant que possible, les vêtements étaient cousus par des Sœurs mexicaines aux doigts de fées ! Restait à atteler les puces ! opération digne de la microchirurgie consistant à passer un fil extrêmement fin (0,35mm), mais solide, de soie, d’or ou de platine, que l’on fixait sans trop serrer sur le céphalothorax de l’insecte et qu’il conservait sa vie durant.
La mise en œuvre de toutes ces activités ne devait bien entendu rien au dressage, de nombreuses astuces permettaient de stimuler le mouvement des puces : collage à poste fixe, agitation des supports, chauffage des planchers !, stimulation manuelle …Ces procédés plus ou moins barbares émurent les bonnes âmes et, en Angleterre, une très sérieuse « Society for the Prévention of Cruelty to Insects » SPCI : Société pour la Protection des Insectes Maltraités) vit le jour et porta plainte contre les cirques de puces et réclama leur fermeture.
Enfin, les puces ne furent pas les seuls insectes mis « au travail » ; des phasmes, bourdons, araignées, mouches, bousiers, scorpions, fourmis, papillons adultes et larvaires, coccinelles, pucerons…n’y échappèrent pas et furent identifiés dans trois cirques anglais inspectés par la SPCI. Une question se pose : Pourquoi les « dresseurs »n’ont-ils pas utilisé le pou de l’homme ( pediculus capitis ou phtirius pubis , le morpion !) ces insectes sont plus grands, plus visibles et plus puissants, faciles à se procurer, ils ne sautent pas ni ne volent et leurs pattes sont pourvues de fortes griffes qui auraient facilité accrochage et déplacements ?
Au XXème siècle, des organisateurs peu scrupuleux présentaient dans attractions ou aucune puce ne figurait ! la supercherie consistait à animer artificiellement des grains de riz sculptés et teints, ou d’autres éléments inertes que l’on disait être des puces En 1950, Michael Bentine , un animateur britannique fameux, présenta un faux cirque de puces au Royal Variety Show, que la BBC le programma durant 30 années dans ses programmes pour enfants ; il alla même en Amérique se produire, à la télévision, au fameux Johnny Carson show. Il est probable que de nos jours, avec les merveilles des nanotechnologies on verra des puces électroniques attelées, et fort savantes !
source : http://www.jbwhips.com/QUAND-ON-ATTELAIT-LES-PUCES.html
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