Truffes et mouches rabassières
Posté par othoharmonie le 6 septembre 2014
Des mouches, sérieux concurrents des chiens et des truies … Les « rabassiers » ou chercheurs de truffes peuvent s’ils sont patients et attentifs repérer les précieux champignons en observant le comportement des mouches Suillia, capables de détecter la présence des truffes dans le sol et ainsi de renseigner le rabassier sur l’endroit précis où il doit creuser.
Des mouches chercheuses de truffes
Les truffes sont, comme les bolets, les amanites, les lactaires et les russules, des champignons mycorhiziens, c’est-à-dire que le mycélium du champignon pénètre la jeune racine d’un arbre-hôte, chêne, châtaignier ou noisetier et l’association symbiotique des deux organismes constitue une mycorhize dont chacun tire bénéfice. Un phénomène curieux est lié au développement des truffes, c’est la disparition localisée de la végétation herbacée dans toutes les zones où les mycorhizes sont actives.
Ces plages dénudées, véritables « ronds de sorcière », sont appelées des « brûlés ». Seules quelques plantes indicatrices subsistent : Sedum reflexum. F estuca ovina. Hieracium pilosella et certains Lichens.
C’est à l’époque où la truffe atteint son état de maturation qu’interviennent les mouches rabassières, fortement attirées par les fructifications pourtant cachées dans le sol. En patois méridional « le rabassier » c’est le chercheur de truffes.
Neuf espèces de Sui/lia dont les larves se développent aux dépens des truffes ont été décrites entre 1820 et 1867. C’est en 1864 que Laboulbène fit, connaître la véritable relation entre la mouche, sa larve tubérivore et la truffe, car jusqu’alors les auteurs expliquaient la formation de la truffe par les piqûres de la mouche qui pondait sur les racines du chêne. Celles-ci engendraient alors des galles qui devenaient les truffes, exactement comme les galles de racines du chêne provoquées par le Biorrhiza palliela.
D’où les expressions de « truffe-galle » ou « truffe noix de galle » !
Le rabassier, attentif, aux mouvements de la mouche La saison venue, le « cavage » des truffes, c’est-à-dire leur recherche dans le sol, se pratique à l’aide de chiens et de truies, mais nombreux sont encore ceux qui chassent à la mouche. Ils tiennent compte du comportement de celle-ci, qui attirée par l’odeur dégagée du sol par la truffe mûre, s’apprête à déposer ses œufs sur le sol, à proximité du champignon.
Les observations de Guérin-Méneville montrent que souvent les truffes colonisées par les larves de Sui/lia avaient déjà été creusées par les adultes de Liodes cinnamomea, coléoptère dont les larves, elles aussi, se développent à l’intérieur des truffes. Il serait intéressant de vérifier, comme on le dit, qu’une truffe blessée par cet insecte ou un autre, exhale un parfum plus développé, sinon différent, que le chien truffier et probablement la mouche dépistent rapidement et sans erreur.
Le comportement de recherche des Suillia avertit le rabassier, attentif à leurs mouvements, de la présence du précieux champignon. Par temps calme et doux, dès que le caveur voit une mouche revenir toujours à la même place, après des circuits plus ou moins nombreux, et finit par se poser, il peut alors creuser délicatement, écartant terre et cailloux pour découvrir la truffe. L’insecte lui désigne l’emplacement.
Jusqu’à vingt ou trente larves par truffe :
La femelle se pose et dépose ses oeufs blancs entre les particules de terre ou à même le cortex du champignon s’il se trouve près de la surface. Trois ou quatre jours plus tard, ces oeufs éclosent et les jeunes larves pénètrent dans la gléba, partie interne de la truffe, où elles creusent de minuscules galeries. La truffeattaquée pourrit rapidement sous l’action des enzymes de la salive ; la gléba est réduite en une bouillie épaisse et fétide. Il n’est pas rare de trouver vingt à trente larves par truffe et en trois semaines, la truffe vidée est réduite à un cortex squelettique qui s’effondre sur place. Ces larves sont des asticots agiles, blancs. Leur corps, effilé à l’extrémité antérieure, est tronqué en arrière. La tête rétractile porte de courtes antennes et une paire de crochets mandibulaires longs, aigus et mobiles. L’abdomen porte des bourrelets locomoteurs ventraux qui facilitent la progression de la larve dans le champignon dont elle provoque peu à peu la décomposition. Les larves se transforment en pupe et dix à quinze jours plus tard, les nouveaux adultes apparaissent.
Les femelles sont alors inaptes à pondre car leurs ovaires sont vides Il leur faut s’alimenter deux ou trois semaines en butinant des fleurs ou du miellat pour acquérir leur maturité sexuelle. Plus tard, mises en présence de truffes couvertes de terre, les femelles commencent à pondre.
D’autres mouches, à régime saprophage, se rencontrent en compagnie des Suillia, et leurs larves se développent dans les truffe déjà fortement décomposées. Il s’agit en particulier de la Mouche des étables, Muscina stabulans, de Fannia canicularis, mouche dont la larve vit dans des substances végétales putréfiées, d’un Syrphide, Cheilosia scutellata, et de tout un cortège de petits moucherons noirs de la famille des Lycoriides et notamment de Sciara.
Tout observateur attentif peut constater la présence quasi-constante de ces mouches rabassières dans les truffières. Mais ces mouches ne se développent que dans la mesure où les truffes ne font pas l’objet d’une collecte régulière durant la saison normale de maturation.
Les mouches des truffes sont calmes, peu farouches; leur vol est silencieux, lent et lourd. Elles se déplacent maladroitement, par petits bonds soutenus, en voletant à de courtes distances. Essentiellement diurnes, elles ne sont actives que par temps ensoleillé, doux et chaud. Dérangées, elles reviennent pour se poser à nouveau, généralement au-dessus du site où se trouve une truffe. Les mâles, de grande taille recherchent activement les femelles. Détail curieux, ces mouches dégagent une forte odeur sulfureuse. Elles résistent aux grands froids’ en se réfugiant dans des abris. Elles peuvent supporter, plusieurs semaines des températures de l’ordre de 2°C, à condition de disposer d’un peu de nourriture et d’eau. Rien d’étonnant donc à ce qu’on rencontre des adultes en hiver au moindre radoucissement de la température.
par Remi COUTIN
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