Les colibris et l’homme
Posté par othoharmonie le 6 septembre 2014
Naturalisés et montés en bijoux ou exposés en décor, ces minuscules oiseaux étaient, au xixe siècle, la coqueluche des salons. La mode est passée, et ils sont encore nombreux ; mais, aujourd’hui, ils dépendent du bon vouloir des hommes, ne s’adaptant pas toujours quand ceux-ci détruisent leur habitat et les privent de leurs sources de nourriture habituelles.
Le colibri d’Arica
Le colibri d’Arica, Eulidia yarrellii, long de 8 cm en moyenne et dont le mâle est vert sur le dos, blanc en dessous et porte une bavette bleu violacé, n’existe que dans les environs d’Arica, petite ville du nord du Chili, au milieu d’une région particulièrement aride. On le trouve uniquement dans deux vallées – les vallées Lluta et Azapa – et, bien qu’il y soit plus rare, dans les jardins mêmes d’Arica. L’histoire du colibri d’Arica n’est pas connue avec précision, mais il semble qu’il ait vécu dans plusieurs autres vallées fertiles avant qu’elles ne soient cultivées. Ils se nourrissent du nectar des fleurs des arbustes indigènes des vallées Lluta et Azapa et, dans les jardins, essentiellement de celui des fleurs d’hibiscus et de lantanas.
Depuis le milieu du xxe siècle, époque à laquelle on pouvait parfois observer jusqu’à une centaine d’oiseaux se nourrissant en même temps – bien que cet oiseau cherche habituellement sa nourriture en solitaire –, la population de colibris d’Arica a vertigineusement chuté. L’espèce, devenue rare, est aujourd’hui menacée, de par son aire de répartition très réduite et parce que la mise en culture intensive des vallées où elle vit ne laisse que peu d’îlots de végétation intacts comprenant les arbustes qu’elle « butine ». Le colibri d’Arica est inscrit en Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction) ; l’exportation de tout spécimen est strictement contrôlée.
Très prisé au xixe siècle
Les colibris ont commencé à souffrir des agissements de l’homme au xixe siècle. Leur petite taille, leurs teintes éclatantes et leur plumage parfois extravagant étaient idéals pour en faire des accessoires de mode. En vogue surtout à Paris, New York et Londres, des colibris naturalisés apparurent comme éléments de décoration sur les chapeaux des élégantes ou bien, montés en broche, sur leur corsage. Il devint également de bon ton de posséder des compositions « artistiques » avec des colibris présentés sous des globes de verre ou dans des vitrines. Au muséum d’histoire naturelle de Londres, on peut voir l’une de ces vitrines. De très grandes dimensions, elle abrite des centaines de colibris naturalisés de diverses espèces, au milieu d’un décor de forêt vierge.
Vers 1890, un importateur londonien traitait 400 000 colibris annuellement. Curieusement, une si large prédation sur ces oiseaux n’entraîna la disparition que d’une petite dizaine d’espèces de colibris, qui ne sont aujourd’hui connues que par l’intermédiaire de sujets naturalisés au xixe siècle.
Des pesticides meurtriers
De nos jours, les colibris n’ont plus à souffrir de captures en nombre à des fins lucratives ; pourtant, ils sont peut-être plus gravement menacés qu’au siècle précédent. La déforestation galopante opérée en Amérique centrale et du Sud prive certains colibris de leur habitat et de leurs ressources alimentaires. Les espèces dont la situation est la plus délicate sont évidemment celles dont la spécialisation est la plus poussée : les colibris à long bec, qui sont liés à certaines fleurs, comptent ainsi parmi les premiers visés. Que les végétaux épiphytes, dont ils consomment le nectar des fleurs et qui se développent sur les grands arbres, viennent à disparaître, et leur fin serait inéluctable. Sur la liste rouge des espèces menacées 2007 publiée par l’U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature), une cinquantaine d’espèces sont placées dans diverses catégories de risque, de « quasi-menacée » à « en danger critique d’extinction ».
Les modifications apportées par l’homme au milieu naturel des colibris ont cependant favorisé certaines espèces. Les vergers, par exemple, sont aisément adoptés, car ils offrent du nectar. Mais les grandes plantations et les zones de cultures font l’objet de traitements préventifs ou curatifs à l’aide de produits phytosanitaires qui peuvent être néfastes aux colibris, très sensibles en raison même de leur faible taille. Ainsi les oiseaux-mouches peuvent-ils être affectés par des empoisonnements directs, si le nectar qu’ils consomment a été contaminé par des pesticides, ou indirects, s’ils attrapent des insectes dans une zone traitée. Localement, une parade – hélas très ponctuelle – peut être mise en œuvre. Elle consiste à procurer aux colibris, à l’aide de mangeoires artificielles, une nourriture adaptée, exempte de toute contamination chimique.
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