le Pou, Un animal de tête
Posté par othoharmonie le 21 août 2014
HORREUR ! De quelle maison où s’épanouissent des enfants d’âge scolaire ce cri n’a-t-il jamais jailli ?
Ce cri, exprimant en vrac l’énervement des démangeaisons, le dégoût, la honte, et l’abattement devant le travail de nettoyage qui attend toute la famille, explose devant cet animal de quelques millimètres : le pou. Il faut avouer tout de même qu’il ne correspond guère à nos critères de beauté, ne dit-on pas » laid comme un pou » ? .
Pourtant, parmi tous les sentiments évacués à travers ce mot, un seul n’est réellement pas à sa place : la honte. La présence du pou sur le cuir chevelu n’est absolument pas indice de malpropreté. Cette bestiole n’est pas exclusive, elle apprécie tout autant tête sale et tête propre. Dès l’instant où il peut marcher sur la tête (celle des autres bien entendu), le pou est heureux.
Marcher est le mot exact. Insecte, il possède six pattes munies de pinces lui permettant de s’agripper solidement aux cheveux et de se déplacer assez vite. Mais le pou n’est ni puce, ni papillon : il ne saute pas et ne vole pas (et pour cause, puisqu’il n’a pas d’aile !). La propagation d’une tête à l’autre se fait uniquement par contact. Son seul univers est la chaleur douillette d’une tête et la forêt de cheveux. Il quitte d’ailleurs rarement son hôte et meurt s’il reste trop longtemps séparé de sa source de nourriture. Il ne survit pas plus de 36 à 48 heures sans contact humain. Ses repas se composent uniquement de sang, pris en deux ou trois fois par jour, parfois plus. Pour se rassasier à nos dépens, l’extrémité antérieure de sa mâchoire est munie de sortes d’épines lui permettant de fixer sa bouche sur la peau tendre du crâne hôte. Sa salive contient une substance anticoagulante et son pharynx muni de muscles puissants agit comme une pompe aspirante.
Mais ce qui lui sert de cuillère pour déguster notre sang si riche, est une pièce spécialisée, composée de trois stylets rétractables et qu’il ne sort de sa tête qu’au moment des repas. Cette sorte de seringue perce la peau délicate et tendre de notre cuir chevelu et il n’a plus qu’à aspirer le sang nourricier par des tubes creux. Son corps alors s’enfle comme une outre. Cette piqûre est indolore, mais l’injection de sa salive provoque une réaction allergisante et des démangeaisons. Le grattage énergique qui s’ensuit peut parfois provoquer des plaies ouvrant la porte aux microbes et aux excréments des poux. Le pou est d’ailleurs vecteur du typhus dans de mauvaises conditions d’hygiène.
Toute la vie du pou se passe donc sur une tête. Le corps humain ayant une température constante, ces animaux peuvent s’y multiplier toute l’année, et les jeunes mâles sont très performants dans le jeu de l’amour. La femelle pond surtout la nuit. Elle colle ses œufs (ou lentes) à la base d’un cheveu, tout près du cuir chevelu. Elle sécrète pour cela un cément très résistant. Durant sa vie, elle peut pondre de 50 à 300 œufs. S’ils ne sont pas dérangés, 50% des lentes éclosent au bout d’une dizaine de jours. La chevelure humaine poussant d’environ 1 cm par mois, l’œuf s’éloigne lentement du crâne. La lente localisée à plus d’un centimètre de la peau est donc morte ou éclose. Dès sorti de l’œuf, bébé pou, qui ressemble à papa et maman, prend déjà son premier repas de sang. La larve subira trois mues avant de devenir adulte, 8 à 14 jours après son éclosion.
Cosmopolite, le pou se trouve sous toutes les latitudes et sur tous les continents. Le « Pediculus humanus capitis » n’est pas le seul pou parasite de l’homme. Il y a également « Pediculus humanus humanus », le pou du corps, qui n’attache pas ses œufs à un cheveu ou à un poil. Faisant partie de la même espèce que son cousin de tête, il peut s’accoupler avec et produire des intermédiaires. Et puis il y aussi le pou du pubis (Phtirus pubis) plus connu sous le nom de morpion.
La seule envie que provoquent ces bestioles depuis la nuit des temps est de s’en débarrasser. La lutte contre les poux existe depuis l’Antiquité. L’épouillage était manuel ou utilisait des peignes spéciaux. Les premiers insecticides apparurent entre 1920 et 1930. Au XVII ème siècle, l’éducation d’une princesse française incluait, dans le chapitre « bonnes manières », le comportement à tenir face aux démangeaisons : la demoiselle ne devait se gratter que par nécessité. Il était impoli d’attraper ses propres poux en public, sauf en compagnie d’intimes. Pourtant l’épouillage manuel, très prisé chez les primates, tient une place de choix dans de nombreuses cultures. Cette pratique, apportant une certaine satisfaction physique, renforce les liens du groupe. De la banquise aux tropiques, l’épouillage revêt une importance extrême. La nécessité de se débarrasser de ces parasites exaspérants, parfois au cours de cérémonies ou de rituels codifiés, crée des règles et des contacts entre individus, jouant un rôle structurant très important. Parfois la récolte stockée pouvait servir de cadeaux, de monnaies, de nourriture.
Et cet insecte, abject pour nous autres, a servi et sert de ciment social.
« Abject, moi ? Alors pourquoi dites-vous « fier comme un pou » ? C’est bien parce que vous reconnaissez ma beauté ou mon intelligence ! »
Eh bien non, pauvre bestiole, tu vas perdre tes illusions : l’expression « fier comme un pou » serait en fait la déformation de « fier comme un poul », mot jadis utilisé pour désigner le mâle de la poule. Donc, « fier comme un pou » veut dire « fier comme un coq » et toc !
Source : http://www.affo-nature.org/la-naturatheque
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