La Chèvre, Emblème de Jésus‑Christ

Posté par othoharmonie le 11 mai 2014

 

images (13)Le symbolisme chrétien mit à profit les naïves croyances des naturalistes de l’ancien monde qui prêtaient à la chèvre une extraordinaire et croissante puissance de vue : Disons de suite que le symbolisme chrétien, comme celui qui l’a précédé, réunit dans le privilège de vision merveilleuse la chèvre domestique et les chèvres sauvages des montagnes, femelles du bouquetin, de l’isard, du chamois, voire même les gazelles des hauts plateaux et des sommets désertiques de l’Asie occidentale et de l’Afrique. 

A mesure, disaient-ils, que ces animaux s’élèvent en gravissant les plus hauts sommets ils acquièrent le privilège, non seulement de voir leur champ de vision s’élargir et s’étendre, mais encore celui de sentir croître extraordinairement en eux leur puissance, leur acuité visuelle, en sorte que nul être au monde ne saurait, à leur égal, embrasser d’un coup d’œil les étendues les plus immenses, ni distinguer aussi parfaitement les détails. 

Aussi saint Grégoire de Nysse, qui mourut vers l’an 400, présente-t-il la Chèvre comme l’emblème de la totale perfection et de l’universalité du regard scrutateur du Christ qui, en tant que Dieu, voit tout dans le passé, le présent et l’avenir. 

D’autres Pères, par extension de la même idée, ont présenté la Chèvre comme l’emblème du Sauveur guérissant la cécité spirituelle des âmes’, et ouvrant, en ceux qu’il lui plaît de favoriser, les yeux de l’esprit sur ces merveilles dont saint Paul, après ses extases, disait que l’œil et l’oreille de l’homme n’en peuvent aucunement percevoir les splendeurs. 

Le Physiologus et les Bestiaires du Moyen-âge qui en sont dérivés, se basant toujours sur les dires de Pline et des Anciens, prirent aussi la Chèvre comme l’emblème de l’omniscience du Christ, du Sauveur qui est, dit le Bestiaire de Pierre le Picard, XIIIe siècle, Dex et sire de tot science

Et des mystiques de la même époque firent aussi de la chèvre, en partant du même point, la figure du Christ qui observe, des hauteurs du ciel, les actes des justes et des méchants en vue des rémunérations et des justices futures.

Les mœurs des caprinés qui leur font affectionner les hauts sommets valent aussi à l’animal qui les représente en symbolisme, d’être image emblématique du Christ pour d’autres raisons que celle de l’excellence de sa vue. 

Ainsi Pierre Le Picard, en son Bestiaire, établit un rapprochement emblématique entre le Christ et la chèvre en vertu du passage du Cantique de Salomon où li est dit : « Mon Bien-Aimé vient saillant sur les monts », traduction un peu libre du texte hébreux qui dit exactement : « Sois semblable, mon Bien-Aimé à la gazelle, au faon des biches, sur les montagnes ravinées ». Et Pierre le Picard de continuer par cette comparaison inattendue : « Comme la chèvre paît sur les penchants des montagnes les herbes odoriférantes, de même notre Sire Jésus-Christ paît en la sainte Église, car les bonnes oeuvres et les aumônes des chrétiens fidèles « sont viande de Dieu… » 

Origène qui écrivait au début du IIIe siècle a placé le symbolisme christique de la chèvre sur un autre terrain en exposant que non seulement la chèvre est douée d’une perspicacité merveilleuse, mais encore qu’elle porte dans sa poitrine une liqueur propre à procurer aux hommes le même avantage. « Ainsi, dit-il, Jésus-Christ ne voit pas seulement Dieu, son Père, mais il le rend visible pareillement à ceux que sa parole éclaire » Ce que des commentateurs traduisent plus justement ainsi : De même que la liqueur qui se trouve dans la poitrine de la chèvre fortifie à l’extrême limite du possible les yeux des hommes, de même le Sang du Christ, que le chrétien peut s’assimiler par l’Eucharistie, dessille les yeux des âmes et leur donne l’acuité spirituelle qui leur fait voir et comprendre les « choses de Dieu ». 

Sur une fresque du IVe siècle, en la catacombe de Calliste, la chevrette gazelle s’élance joyeusement, emportant le caducée de l’Hermès antique, le dieu des connaissances cachées au vulgaire, et par elles-mêmes mystérieuses. Qui nous précisera la pensée de l’artiste, auteur de ce motif étonnant ?… 

Les hermétistes du Moyen-âge rapprochèrent aussi la chèvre de la personne de Jésus en lui appliquant le vieux sens païen, christianisé par eux, du Capricorne zodiacal qui était dans l’ésotérisme ancien la Janua coeli, la Porte du Ciel, par opposition au Cancer qui est Janua inferni, au Cancer que figurent dans l’art hermétique les crabes et crustacés de tous genres. 

 « Je suis la porte des brebis… Je suis la Porte, et qui passe par moi sera sauvé », dit Jésus dans l’Évangile, se donnant ainsi comme étant la seule janua coeli, titre qui convient merveilleusement en effet à Celui qui ouvrit, pour les justes de l’humanité déchue et rejetée, la porte de la vie éternellement heureuse ; titre que la langue liturgique de l’Église fait partager au Rédempteur et à sa Mère, et que nous étudierons plus tard à propos du symbolisme de la Porte architecturale. 

Ainsi se présentent les données qui ont fait de la chèvre l’un des emblèmes de Celui à qui les maîtres anciens de la spiritualité chrétienne ont appliqué ces paroles du Cantique de Salomon : Similis est dilectus meus capreae. « Mon Bien-Aimé est semblable à la chèvre. »

Ajoutons que, par une sorte d’opposition, on a désigné par le nom de « chèvre » un reptile ophidien du Bengale, qui vit également dans l’Afrique occidentale, et qui lance, diton, au visage de son ennemi un jet de salive qui le rend aveugle. 

En Asie, l’on dit aussi que la chèvre, qui possède la faculté de voir tout, même en enfer, aime à crever les yeux des hommes ; et le médecin hindou Sucruta désigne une maladie des yeux sous le nom de mal de la chèvre 

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