Il y a toujours des hippopotames dans la vallée du Nil, mais ils ne remontent plus au-delà de Khartoum, au Soudan. Le dernier animal d’Égypte a été tué en 1816. Au XIXe siècle, on pouvait rencontrer des hippopotames jusqu’au Cap ; aujourd’hui, on en trouve encore en Afrique du Sud, mais seulement jusqu’à la lagune de Santa Lucia. Entre ces deux limites, la densité des hippopotames a considérablement baissé. Dans le Sahara et son pourtour immédiat, le changement de climat explique leur retrait, mais, ailleurs, l’homme semble être responsable des disparitions locales enregistrées un peu partout.
Sa présence sur l’île de Mafia prouve qu’il est même capable de traverser un bras de mer. Car cette petite île de l’océan Indien est séparée de la Tanzanie par des fonds trop profonds pour avoir jamais été reliée au continent.
À l’intérieur des terres, il peut vivre jusqu’à 2 000 m d’altitude. Il semble supporter sans difficulté des températures avoisinant 0 °C au petit matin, en saison sèche.
Jusqu’à la fin des années 1990, l’espèce était considérée comme répandue et à l’abri mais sa population a décliné depuis, de 7 % à 20 % dans les dix dernières années, victime notamment des guerres civiles. En République démocratique du Congo, qui abritait l’une des plus importantes populations d’hippopotames, le conflit a entraîné une réduction de 95 % de leur nombre entre 1996 et 1998. En 2006, l’espèce – qui est inscrite depuis 1995 à l’annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction)- a ainsi était classée par l’U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « vulnérable » de la liste rouge des espèces menacées. On estime aujourd’hui ses effectifs à 125 680 – 149 230 individus dont 40 000 en Zambie, 20 000-30 000 en Tanzanie, 18 000 au Mozambique, 10 000 au Malawi, 7 000 en Ouganda, 7 000 au Zimbabwe, 5 000 au Kenya, 5 000 en Éthiopie, 3 000-6 000 au Soudan, 3 000-5 000 en Afrique du Sud, 2 000 – 4 000 au Botswana, 1 000 -2 000 en Guinée, les autres populations étant fortement fragmentées en petits groupes de 50 à 500 animaux dans divers pays d’Afrique de l’Ouest. La répartition actuelle de l’hippopotame nain est également fragmentée : le gros des troupes occupe les forêts proches de la côte, entre le fleuve Bafing (Guinée), et le fleuve Bandama (Côte d’Ivoire), à travers la Sierra Leone et le Liberia. Dans les années 1930, on a découvert des hippopotames nains à 1 300 km de là, à l’est. Il reste encore un semblant de population, à la limite de l’extinction, essentiellement dans le delta du Niger (provinces d’Owerri et de Warta, Nigeria) jusqu’à la rivière Cross, près de la frontière du Cameroun. Sur tous les territoires où on le rencontre, l’hippopotame est utile à de nombreuses autres espèces, et son impact dans les écosystèmes qu’il occupe est loin d’être négligeable. Il nourrit ses bassins de crottin, ce qui constitue un apport nutritif utile à la vie dans les eaux. Une certaine densité d’hippopotames peut garantir une production de poissons et une grande diversité d’ongulés sur de bons pâturages. La densité idéale serait de 7,7 animaux au km2. Ensuite, la liste des espèces qui utilisent le dos de l’animal comme lieu de villégiature est longue : oiseaux (ombrettes, aigrettes, pique-bœufs…), tortues d’eau douce, petits crocodiles même !
L’HIPPOPOTAME ET LA VÉGÉTATION
L’habitude qu’a l’hippopotame de brouter bien ras l’herbe sur ses pâturages rend les 3 km le long de chaque berge sans prises pour les incendies de savane. Non seulement l’animal respecte les bouquets d’arbres au moment du repas, mais il évite que ceux-ci ne soient brûlés. Ils peuvent au contraire se développer, et constituer des zones refuges pour certaines essences qui seraient sinon éliminées. Mais l’extension des arbres et des buissons peut, par ailleurs, aller jusqu’à l’envahissement progressif des pâturages à hippopotames… ce qui peut entraîner la disparition de l’animal ! Au bord de la rivière Mara, au Kenya, il existe sans doute des cycles – si longs qu’ils sont difficiles à suivre – entre prairies, forêts et hippopotames : le développement des arbres chasse les brouteurs d’herbe, mais il attire les herbivores d’un type moins strict, comme les éléphants. Le cycle peut ensuite repartir : les éléphants se nourrissent des arbres qui repoussent moins bien, faisant place à l’herbe qui attire les hippopotames… Actuellement, une des deux rives du fleuve est nettement plus boisée et beaucoup moins riche en hippopotames. Il n’est pas interdit de penser que ceux-ci sont éventuellement responsables de cette croissance arborée, et donc de leur propre élimination.
Il est déjà arrivé qu’il y ait trop d’hippopotames dans certaines régions… Cela a été le cas en Ouganda, dans les années 1930, autour des lacs Edouard et George. À l’époque, les signes d’érosion sur le paysage étaient considérables : des berges effondrées, de moins en moins de végétation, une faune peu diversifiée et un risque potentiel de régression pour la population d’hippopotames elle-même… On a donc convenu d’abaisser la densité moyenne de plus de 20 à 8 animaux au km2. À partir de 1957, pendant 5 ou 6 ans, on a abattu 1 000 animaux, soit 7 000 en tout, dont la viande, toujours appréciée, a été distribuée aux populations locales. Au niveau du paysage, les résultats ne se sont pas fait attendre. La végétation, et en particulier l’herbe, a pu repousser ; de même, les simples actions mécaniques (par le piétinement) sur les espèces végétales sont allées en diminuant. D’autres ongulés sont revenus. Quant aux hippopotames, on a remarqué que l’âge de la maturité sexuelle des femelles est passé de 12 à 10 ans, et que le pourcentage de jeunes de l’année dans chaque groupe montait de 6 à 14 %…, signes évidents d’une population dynamique.