répartition du castor En France
Posté par othoharmonie le 2 décembre 2013
Le castor européen occupait la majorité des cours d’eau du territoire français. Pourtant, dès la fin du xixe siècle, la chasse en particulier pour sa fourrure très recherchée, le piégeage et la destruction de ses milieux de vie avaient entraîné une forte régression de l’espèce (moins d’une cinquantaine d’individus subsistaient en 1900) dont l’ultime refuge fut la basse vallée du Rhône.
En 1909, le castor d’Europe fut protégé dans les Bouches-du-Rhône, le Gard et le Vaucluse. La population put alors prospérer et atteignit même Lyon vers 1960. La construction de barrages sur le Rhône interdit par la suite la colonisation naturelle d’autres secteurs. Des réintroductions eurent donc lieu çà et là en France dès 1950.
En 2003, l’espèce est présente à des degrés divers dans 42 départements, essentiellement dans la moitié est et dans le centre de la France. À cette date, la population estimée de castors est comprise entre 8 000 et 10 000 individus.
Depuis le début des années 1960, une vingtaine d’opérations de réintroduction concernant environ 270 castors ont été réalisées à partir de la souche rhodanienne, parmi les grands bassins concernés : la Loire, la Moselle, les affluents du Rhin (Doller, Ill, Moder), le Tarn dans le bassin supérieur de la Garonne.
Dans le sud-est de la France
Le castor est présent dans le delta du Rhône et le Rhône où l’effectif frôlerait actuellement les 3 000 sujets. Cette population se répartit sur le fleuve lui-même mais également sur la plupart de ses affluents en aval de Lyon (dont le Gardon, l’Ardèche, la Cèze, le Chassezac, l’Isère, la Drôme, le Gier, etc.). Dans ces régions à substrat rocheux, il fait peu de barrages.
Certains individus se seraient également implantés récemment plus au nord jusqu’à la Saône et dans quelques petits affluents du Jura français où les conditions environnementales pourraient lui être plus favorables (notamment à cause de la pollution du Rhône, mais surtout de son artificialisation et de l’aménagement des berges et digues pour les besoins du trafic fluvial ou le contrôle des crues).
Des castors vivent également sur le Vidourle, un fleuve côtier qui rejoint directement la mer et non le Rhône. Dans son ouvrage Au pays des castors, Paul-Henry Plantain mentionnait dans les années 1970 une colonie sur le Vidourle, réputée récemment disparue. On peut imaginer que des animaux ont été importés sur le Vidourle de manière officieuse, mais la colonie considérée comme éteinte dans le livre de Plantain pourrait aussi correspondre à un peuplement très ancien, distinct du rhodanien. Une étude génétique de ces animaux pourrait lever le doute.
Dans l’est de la France
Alsace : plusieurs familles de castors sont installées sur l’Ill, la Largue et la Doller en amont de Mulhouse. On peut observer la preuve de cette présence en marchant au bord de ces rivières et en étant attentif à la présence d’arbres coupés en forme de « crayons » à proximité immédiate de ces rivières.
Lorraine : 4 castors ont été réintroduits le 25 janvier 1983 sur la Moselle, en amont de Nancy, dans le secteur de Tonnoy. Ils ont été suivis de 11 autres en janvier et février 1984. Il s’agit, en tout, de 6 mâles et 9 femelles. Les individus se sont bien acclimatés et la population de castors connaît depuis une expansion régulière. Sa présence est considérée comme permanente sur la Moselle et ses affluents, dont le Madon, de Mirecourt à la ville de Toul. Alors que la population de castors était estimée à 40 individus en 1992, en 2007, un décompte opéré par le Groupe d’étude des mammifères de Lorraine, la situe entre 620 et 660 individus, répartis sur 200 sites. Le taux d’accroissement annuel est estimé à 18,6 % dans cette région, ce qui le rapproche des observations effectuées en Suisse ou en Allemagne. Il est désormais bien implanté sur la Moselle et la plupart des cours d’eau de son bassin. En 2000, le haut bassin de la Saône est colonisé. La progression moyenne annuelle du castor sur les cours d’eau lorrains est actuellement portée à 30 km. Par ailleurs, la présence de castors sur la Meuse et la Sarre est attestée et résulte des réintroductions en Belgique et en Allemagne. En Meuse, le Parc Naturel régional de Lorraine fait apparaître le castor dans la liste des espèces présentes dans la forêt humide de la Reine. Sa présence pourrait résulter de l’expansion territoriale de l’espèce depuis sa réintroduction en 1983.
Dans l’ouest et le centre de la France
Dans les années 1973, treize individus ont été réintroduits vers Blois, toute la population de Roanne à Nantes est issue de cette réintroduction. En 1994, treize autres individus ont été réintroduits par la FRAPNA Loire en plaine du Forez, la recolonisation naturelle étant impossible à cause du barrage de Villerest. Il colonise actuellement la Plaine du Forez sur le fleuve et les plus grands affluents (Lignon, Aix…). Plus de 100 km de cours d’eau sont occupés, une publication dans Arvicola montre cette recolonisation (Ulmer 2011). À partir des réintroductions, de petites populations se reconstituent sur le bassin versant de la Loire (Lignon de Haute-Loire, Loire en Forez et Roannais, Allier), et le castor y est aujourd’hui bien présent jusqu’en Loire-Atlantique. Les réintroductions expliquent la grande partie de cette expansioncertains pensent qu’il a franchi seul la ligne de partage des eaux entre Rhône et Loire, en haute Ardèche), lui permettent de recoloniser et d’animer à nouveau des kilomètres de ripisylves alluviales, maintenant qu’il est complètement protégé.
En Bretagne, dix individus furent relâchés de 1968 à 1971 dans le parc naturel régional d’Armorique, sur le cours de l’Elez. La population s’est quelque peu développée et se maintient aujourd’hui aux alentours d’une cinquantaine d’individus. De plus le castor est bien présent en Loire Atlantique, le long de la Loire.
Dans le nord de la France
Champagne-Ardenne : historiquement le castor est présent dans la région depuis les relâchés d’animaux en 1952 sur le Lac du Der. Cette population est depuis disparue et seuls quelques individus se sont maintenus quelque temps sur la rivière Marne, avant de disparaître. La population de castor européen sur la pointe des Ardennes est par contre bien vivace. Elle est effective depuis 1998. En effet, à la suite des relâchés « non officiels » effectués sur le plateau ardennais notamment à proximité des tourbières des Vieux-Moulins de Thilay en zone frontière avec la Belgique, l’espèce a retrouvé la Meuse. Elle recolonise depuis progressivement le département des Ardennes et aussi celui de la Meuse (sources ASBL Symbiose/Benoît MOINET et ONCFS).
Nord-Pas de Calais : de 1998 à 2000, une étude sur les potentialités d’accueil du castor européen dans la région a été commandée par le conseil régional. L’étude a été menée par les membres du Groupe Loutre Castor Nord qui ont poursuivi depuis un travail d’information et de sensibilisation sur les régions Nord-Pas de Calais, Picardie et Champagne Ardenne.
À travers la préservation d’espèces menacées, cette étude visait la gestion restauratoire et conservatoire des milieux naturels que constituent les cours d’eau, principaux corridors écologiques des bassins versants de la région. À terme, le retour du castor d’Europe (appelé aussi bièvre) au sein de rivières du bassin Artois-Picardie devait être la récompense d’un travail commun de réflexion, de la part des principaux acteurs, sur la préservation et l’évolution des cours d’eau de ce territoire, voire de la réhabilitation écologique de certains d’entre eux.
En effet, à l’occasion de chaque inondation, de chaque projet d’aménagement, la question de la gestion des cours d’eau revient au-devant de l’actualité. Qu’il s’agisse de petits cours d’eau oubliés ou de fleuves à forte valeur économique, la notion de « gestion intégrée » est maintenant entrée dans le vocabulaire commun, notamment grâce à la loi sur l’eau de 1992. Les applications sur le terrain sont quant à elles plus difficiles à mener.
La loi demande aux acteurs économiques de ne plus considérer les cours d’eau comme de simples vecteurs d’eau fluide à prélever, traiter, utiliser, épurer puis rejeter dans le milieu naturel. Ils doivent prendre de plus en plus en compte la qualité des milieux associés aux cours d’eau, l’objectif de la directive cadre sur l’eau étant le retour du « bon état écologique » des eaux et milieux humides en 2015. De leur côté, les acteurs chargés de la gestion durable de milieux fluviaux, notamment à haute valeur patrimoniale ne peuvent plus uniquement les considérer comme des espaces à conserver en l’état mais comme des écosystèmes complexes et dynamiques dont il faut accompagner l’évolution en préservant le fonctionnement hydrologique naturel et les écopotentialités du réseau hydraulique et de la trame bleue voulue par le Grenelle de l’environnement en 2007. « Laboratoires vivants », les espaces naturels fluviaux sont des terrains privilégiés pour la mise en œuvre de méthodes et de techniques originales en matière de gestion intégrée et restauratoire des cours d’eau et des milieux qui leur sont associés.
Au travers de la concertation, le travail collaboratif du Groupe Loutre Castor Nord (intégré depuis 1999 à l’association EAU VIVANTE), est de créer une dynamique de préservation des cours d’eau. En effet, sous l’action de symboles tels que le castor et la loutre d’Europe, l’un des buts était de faire se rencontrer les divers acteurs et gestionnaires institutionnels de nos fleuves, rivières et ruisseaux, afin que ceux-ci s’écoutent mutuellement et soient amenés à collaborer autour d’un projet de retour potentiel de ces animaux sur les rivières de la région. L’étude remise en octobre 1999 a conclu qu’un retour du castor européen en Avesnois était possible, la qualité des cours d’eau, la végétation et le cloisonnement limité des rivières et espaces aquatiques étant favorables à l’installation d’une trentaine de familles soit un peu plus de 100 individus sur le territoire du Parc Naturel Régional de l’Avesnois. En 2010, le Conseil Régional Nord-Pas de Calais a souhaité réactualiser cette étude. Les travaux d’inventaire ont été confiés au bureau d’études Biotope. Il ressort certaines évolutions de potentialités d’accueil après 12 ans, avec la possibilité de réintroduire l’espèce dans des secteurs encore favorable. La restauration de la Biodiversité des zones humides, dont le castor est un gestionnaire naturel, est la finalité de cette seconde étude.
Picardie : depuis 2007, quelques rares castors européens ont passé la frontière en venant de Belgique (au sud de Chimay) à la faveur de la proximité des sources de l’Eau blanche et de l’Oise. Ils sont installés dans le nord de la Thiérache sur la rivière Oise.
Avec l’aide de l’ensemble des acteurs institutionnels, locaux, associatifs et les populations riveraines des cours d’eau, des aménagements peuvent être réalisés spécifiquement en accompagnement du retour du plus gros rongeur européen dans le nord de la France (spontané ou aidé par réintroduction officielle des pouvoirs publics). Toute une politique de partenariat entre ces acteurs permettrait de développer à terme une démarche éco-touristique similaire aux actions engagées dans le territoire belge voisin.
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