La cigogne est très généralement un oiseau de bon augure, à part dans le Lévitique où elle se trouve qualifiée « d’immonde ». Elle est aussi symbole de piété filiale car 400 ans avant Jésus-Christ les Grecs associaient la cigogne qu’ils nommaient « pelargos » à ce respect des parents parce qu’elle les nourrissait alors qu’ils étaient vieillissants. De là découla le nom de la loi « Pelargonia » qui obligeait les enfants à s’occuper de leurs parents.
Dans certaines régions, on assure que la cigogne apporte les enfants, ce qui pourrait être en rapport ave ses mœurs d’oiseau migrateur, son retour correspondant au réveil de la nature. C’est sans doute dans la même perspective et pour la même raison, qu’on lui prête le pouvoir, par son seul regard, d’être cause de la conception. C’est d’ailleurs en février qu’elle marque son grand retour, c’est-à-dire dans le mois du Verseau. Par ailleurs, l’attitude de cet oiseau, dressé immobile et souvent solitaire sur un seul pied, en fait un des symboles de la contemplation. En Extrême-Orient, et notamment au Japon, la cigogne se confond avec la grue et apparaît comme un symbole d’immortalité.
En Europe, avoir un nid de cigognes sur le toit de sa maison porterait chance. Par ailleurs, comme elle n’oublie jamais où se trouve son nid, la cigogne symbolise la constance.
Une autre croyance voudrait qu’elle ait volé autour de Jésus lors de sa crucifixion. Elle serait ainsi devenue un symbole de résurrection, de régénération. C’est pourquoi la cigogne qui vole au-dessus d’une maison ou y construit son nid serait annonciatrice d’une future naissance. On entend dire encore : « Si une cigogne s’est posée sur votre maison, elle devient votre porte-bonheur dans presque tous les domaines : fécondité et fidélité d’abord, mais également richesse, santé, protection contre la foudre, bénédiction de la ville entière où elle a élu domicile. Cette quantité de vertus lui a sans doute été attribuée dans les siècles passés parce qu’elle débarrassait les champs et marécages des serpents et d’autres animaux peu appréciés par la population ».
La cigogne est encore symbole de longévité. On lui prête de pouvoir atteindre un âge fabuleux. Mais alors qu’elle arrive à six cents ans, elle ne mange plus, se contentant pour vivre de boire et, après deux mille ans, elle devient toute noire. Elle est, avec le lièvre et le corbeau, un animal cher aux alchimistes taoïstes.
Au Maroc aussi, la croyance populaire considérait la cigogne comme un porte-bonheur. Une légende marocaine assure que la cigogne serait un imam, un homme saint habillé de deux burnous, l’un noir et l’autre blanc. « Un jour, en plein Sahara, l’eau nécessaire à ses ablutions vint à manquer à l’imam. Pour ne pas manquer la prière, il utilisa le petit lait pour faire sa toilette commettant ainsi un grave péché car le petit lait était béni du fait de sa rareté en ce lieu désertique. Alors le Tout Puissant le métamorphosa en cigogne et l’expédia au Maroc pour expier son péché ».
Il est un petit conte intitulé « les Cigognes » d’Hans Christian Andersen, célèbre pour sa petite sirène, qui reprend une légende célèbre dans le nord de l’Europe assurant que c’est la cigogne blanche qui apportait les bébés aux jeunes parents. On retrouve cette hypothèse dans le poème d’un Allemand, Jean-Frédéric Wentzel, en 1840. Cependant, les premières légendes européennes sont bien plus anciennes, comme on vient de le voir.
Quoi qu’il en soit, le folklore allemand est plein d’histoires rapportant que les cigognes trouvaient les bébés dans des grottes ou des marais et qu’elles les apportaient dans un panier, arrimé sur leur dos ou tenu dans leur bec, qu’elle déposait dans les maisons. Dans les grottes se trouvaient des « pierres de cigogne » où se trouvaient les enfants, mais il existait aussi des « fontaines aux enfants ».
Une légende de la fin du XIXe siècle raconte d’ailleurs que le « puits aux enfants de la cathédrale de Strasbourg conduirait à un lac souterrain sur lequel, à bord de sa barque, un gnome à barbe blanche pêcherait les âmes des enfants avec un filet d’or ».
On racontait encore que les nouveau-nés étaient remis à la mère ou lâchés dans la cheminée, ce qui semble un peu rude. Les couples désirant un enfant devaient avertir la cigogne en plaçant quelques friandises sur le rebord de la fenêtre pour la cigogne. Cette légende a, comme la cigogne, parcouru le monde et se raconte aussi bien en Amérique du Sud qu’aux Philippines.
Toujours dans le folklore germanique, la déesse Holda donne vie aux nouveau-nés à partir des âmes des défunts et la cigogne est chargée d’apporter les enfants à leurs parents. Dans la mythologie slave, la cigogne fait naître les âmes en les apportant du paradis jusqu’à la Terre, au printemps et en été. D’ailleurs, les Néerlandais ne s’y trompent pas puisqu’ils appellent la cigogne « transporteur d’âmes ». Pour en revenir aux Slaves, ils voyaient la cigogne comme un porte-bonheur et tuer cet oiseau portait malheur. Enfin, la cigogne aurait influencé jusqu’à l’origine même des enfants. C’est ainsi qu’on affirmait aux enfants d’esclaves afro-américains que les bébés blancs étaient apportés par les cigognes tandis que les bébés noirs naissaient à partir d’œufs de buses. En Orient, on soutenait qu’un simple regard de la cigogne suffisait pour rendre une femme enceinte. Le caractère durable du mythe de la cigogne et du nouveau-né est lié fait qu’il remédie à la difficulté de parler de sexe et de procréation aux jeunes enfants.
En Grèce, la cigogne était consacrée à Héra, la déesse de l’enfantement et dans la mythologie grecque, Antigone, fille de Laomédon roi de Troie, pour avoir osé comparer sa propre beauté à celle d’Héra, vit ses cheveux changés en serpents. Mais les dieux prirent pitié d’elle et la changèrent en cigogne et comme chacun sait, les cigognes mangent les serpents, ce qui les rend utiles et bénéfiques.
Enfin, si la cigogne a été choisie pour apporter les bébés, c’est sans doute en raison de son plumage blanc symbolisant la pureté, de sa taille aussi puisqu’elle est assez grande pour transporter un nouveau-né, ou encore son vol à haute altitude, un vol entre Terre et Ciel en quelque sorte…
Et pourtant le folklore autour de la cigogne blanche et pure connait aussi des détracteurs. En effet, il existe un conte polonais qui affirme que Dieu a fait le blanc plumage de l’oiseau, mais que le diable y a ajouté le noir des ailes. La cigogne aurait donc des instincts ni toujours bons, ni forcément mauvais. Par exemple, en Allemagne, on expliquait que les nouveau-nés handicapés ou mort-nés avaient été lâchés accidentellement par la cigogne, ou comme punition pour des actes peu honorables des parents dans leur passé. De même, les angiomes de naissance portent le nom de « morsure de la cigogne ». Les mères obligées de rester allongées avant l’accouchement sont dites « becquées » par la cigogne.
Dans l’Angleterre du Moyen Age, la cigogne était associée à l’adultère, peut-être à cause de ses parades nuptiales un peu trop démonstratives. Sa toilette et ses postures étaient interprétées comme de la fatuité. Alors la cigogne pouvait réprimander les femmes infidèles et l’attaquer avec des coups de bec. Seules les femmes étaient concernées par ce comportement moraliste.
Même si les légendes ont la vie dure, il n’en va pas autant de celle des cigognes. En effet, alors qu’en 1900 les cigognes se comptaient par milliers en Alsace, il n’en restait que deux couples en 1982. Les lignes à haute tension, la sécheresse, sa chasse au Mali, ainsi que l’emploi de pesticides très puissants visant à l’élimination des criquets furent les causes majeures de la disparition des cigognes. C’est pourquoi qu’il fut créé, en 1976, le Centre de Réintroduction des cigognes et des loutres, en Alsace, sur la route des vins, au cœur d’anciens marais. Il se trouve dans le petit village d’Hunawihr, près de Riquewihr et de Ribeauvillé. Ce parc abrite en permanence plus de 150 cigognes et une soixantaine de couples niche dans le parc. La population peut atteindre jusqu’à 250 oiseaux après la naissance des petits cigogneaux. Les cigognes y vivent en liberté quelle que soit la période de l’année, en pleine activité : construction des nids, accouplement, élevage des petits, vol en plein ciel… Vue les périls que attendent les cigognes pendant leur migration, le Parc a pour but de leur enlever l’instinct migratoire tout en leur permettant de voler et de se reproduire sur les villages alsaciens dès que cet instinct a disparu.
Cependant, l’oiseau et l’oiseau Verseau dont la liberté est la raison de vivre peut-il se complaire dans cet encadrement, même si c’est pour son bien.
D’Alsace, la légende de la cigogne s’est répandue dans toute la France et au-delà des frontières. Aujourd’hui, l’oiseau migrateur tient toujours une place de choix sur les faire-part de naissance et dans l’imaginaire populaire.
Enfin, dans l’interprétation des rêves, lorsqu’on voit une cigogne en songe, on dit que la cigogne n’apporte pas le bébé, mais qu’elle l’emporte. La cigogne serait le complément du verbe quitter, se sauver, dans le sens de sauvegarde. Ce rêve aurait une connotation spécifique qui exprime le besoin de prendre de la distance, de se placer hors d’atteinte d’une souffrance.
Pour d’autres interprètes des rêves de cigogne, celle-ci serait messagère de renouveau avec ce nouveau-né qu’elle apporte dans son bec tout comme son arrivée annonce le printemps. La voir en rêve serait un signe positif de renouvellement. C’est un oiseau messager qui annonce une nouvelle phase de vie en cours.
Source : Dictionnaire des Symboles – Jean Chevalier et Alain Gheerbrant – Robert Laffont/Jupiter – Collection Bouquins