Corbeau sait s’amuser
Posté par othoharmonie le 23 octobre 2013
Le corbeau de Nouvelle-Calédonie est un surdoué sachant façonner et utiliser des outils.
Lancez une fausse araignée à une fille. Il y a onze chances sur dix pour qu’elle s’enfuie en hurlant. Pas le corbeau de Nouvelle-Calédonie. Lui commence par l’examiner de loin avant de saisir une baguette dans son bec pour toucher l’intrigant insecte. Pas con, l’oiseau. Constatant l’absence de signe de vie, il peut alors le saisir. Cette expérience, filmée par la biologiste Johanna Wimpenny, a été menée dans le laboratoire d’Alex Kacelnik de l’université de Sheffield. Depuis de nombreuses années, ce scientifique est fasciné par l’intelligence du corbeau de Nouvelle-Calédonie. Cet incroyable oiseau est quasiment le seul à savoir tailler une brindille dans une feuille de pandanus pour s’en servir d’outil. Il est même capable de recourber l’extrémité de cet outil afin d’accrocher un aliment disposé au fond d’une cavité. Dans la nature, il fait cela couramment. Les expériences filmées par Kacelnik dans son laboratoire sont stupéfiantes. Par exemple, lorsqu’il propose plusieurs brindilles à un corbeau pour attraper une proie placée au fond d’un trou, l’oiseau ne choisira presque jamais une brindille au diamètre plus important que celui de l’orifice. De même, si la proie est placée au fond d’un tube à essai, l’oiseau saisira le plus souvent une brindille suffisamment longue. Ce qui indique qu’il se livre, au préalable, à une analyse de la situation.
On pourrait bien évidemment penser que ce comportement est instinctif, comme celui qui pousse l’araignée à tisser une toile très complexe. Mais dans un laboratoire, placé devant une situation qui n’a rien de naturel, le corbeau de Nouvelle-Calédonie est capable d’improviser pour obtenir ce qu’il désire. D’après Alex Kacelnik, c’est la preuve d’une certaine intelligence, dépassant le seul instinct.
Johanna Wimpenny ne s’est pas bornée à présenter une fausse araignée à un seul corbeau. Elle a également tenté l’expérience avec un frisbee, un bracelet hawaïen et un serpent en plastique introduits dans la cage d’une dizaine d’oiseaux différents. Pas systématiquement, mais très souvent, les corbeaux ont saisi une brindille pour tâter à distance l’objet inconnu. Pour quelle raison l’ont-ils fait ? Par peur de saisir directement un objet menaçant ? Cela semble une interprétation logique, mais la chercheuse ne peut pas encore l’affirmer catégoriquement. Il lui faut mener d’autres tests. Par exemple, si on fournissait aux oiseaux une pierre, à la place d’une brindille, l’utiliseraient-ils ? De quelle manière ? En tout cas, cette expérience présentée dans la revue Animal Cognition prouve que le corbeau est capable d’utiliser un outil non seulement pour se procurer de la nourriture (comme beaucoup d’autres espèces savent le faire), mais aussi pour inspecter un objet. Ce qui est infiniment plus rare.
Bref, quand ce brave La Fontaine présentait le corbeau comme un idiot laissant tomber son fromage au premier compliment du renard, il se trompait lourdement. Il lui aurait fallu écrire : « Maitre goupil, sous un arbre caché/ tenait en sa gueule un fromage/ Maître corbeau par l’odeur alléché/ lui tint à peu près ce langage : / « Hé bonjour, Monsieur du Renard. Que vous êtes joli ! que vous me semblez idiot !… »
SOURCE : Le Point.fr – article de FRÉDÉRIC LEWINO
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