Milieu naturel et écologie de l’Hermine
Posté par othoharmonie le 8 mai 2013
Une loi bien connue en écologie, la loi de Bergmann, veut que, pour une espèce donnée, les animaux les plus grands soient ceux qui habitent les latitudes les plus élevées. Dans le cas de l’hermine, c’est l’inverse : les plus petites sont les plus septentrionales. En fait, le problème le plus important pour une hermine qui vit en zone arctique ou subarctique est de trouver suffisamment à manger sans perdre trop d’énergie. Or, sous la neige, dans les terriers et les tunnels des petits rongeurs, il fait bien moins froid qu’en surface, et c’est là que se trouvent les proies : deux raisons qui justifient une petite taille qui permet de se glisser dans ces galeries. Les mâles sont plus grands, sans doute à cause de la compétition intense au moment de la reproduction : le plus grand se trouve avantagé. Le problème ne se pose pas de la même façon à la femelle, qui doit, en outre, trouver davantage de proies que le mâle quand elle est gestante et quand elle nourrit ses petits.
UNE RELATION ÉTROITE AVEC LES CAMPAGNOLS
La densité des hermines est étroitement liée à celle de leurs proies. Les travaux de Sylvain Debrot, dans le Jura suisse à la fin des années 1970, le montrent bien. Dans la vallée de Brévine, vers 1 000 m d’altitude, le nombre d’hermines sur le terrain d’études, mesurant 1 875 hectares, est passé de 50 animaux à seulement 3 en deux ans. En 1977, 6,8 hermines vivantes étaient capturées pour 100 pièges laissés chacun 24 heures (une nuit-piège). En 1979, le chiffre n’était plus que de 0,7 hermine pour 100 nuits-pièges. En fait, en 1975, il y avait eu une prolifération de campagnols terrestres (Arvicola terrestris), qui avait entraîné une augmentation du nombre d’hermines. L’effondrement de la population de campagnols a provoqué la disparition presque complète des hermines.
Ce phénomène était déjà bien connu des piégeurs russes opérant dans les plaines inondables de la Volga et de la Kama. Ils savaient bien, dès les années 1930, prévoir les bonnes années à hermines, simplement au nombre de grands campagnols piégés en juin de l’été précédent.
Quand on étudie les classes d’âge dans les populations d’hermines en perpétuelle dynamique, on remarque également que, en cas de fortes densités, le nombre de jeunes peut atteindre les 2/3 des captures, alors qu’il représente moins du cinquième de l’effectif en temps de pénurie. Le système de reproduction de l’espèce fait que toutes les femelles sont gestantes à la fin de la saison des accouplements, mais, si les proies sont rares, il n’y a pratiquement pas de survivants parmi les jeunes et la population vieillit. Inversement, si les campagnols, ou les lemmings, sont nombreux, toutes les portées seront élevées.
Les hermines qui vivent en Grande-Bretagne sont un peu plus grandes que celles qu’on rencontre en Suisse ou en Russie, et se nourrissent beaucoup de lapins. Or, si l’hermine est présente sur l’île depuis des milliers d’années, le lapin n’est arrivé outre-Manche qu’à l’époque des Normands et il n’est commun que depuis seulement 200 ou 300 ans. Comme la Grande-Bretagne était initialement couverte de forêts, peu propices aux hermines, on peut supposer qu’elles étaient autrefois beaucoup moins nombreuses qu’aujourd’hui. Les lapins ne présentant pas, comme les campagnols, de fluctuations importantes de densité d’une année sur l’autre, il est difficile de savoir quel est le degré de dépendance des hermines vis-à-vis de cette proie. Mais on sait, d’après les carnets de piégeage des gardes de propriétés, que la myxomatose, en décimant les lapins, a eu des conséquences spectaculaires sur les populations d’hermines. En deux ans, de 1953 à 1955, la maladie a éliminé 99 % des lapins du pays ; et, entre 1954 et 1960, les hermines avaient pratiquement disparu. Dans certains cas, les captures annuelles représentaient moins de 1 % des chiffres des années précédant l’arrivée du virus. Depuis 1970, les lapins ont commencé à revenir et les hermines ont suivi. Mais chaque nouvelle flambée de myxomatose reproduit le même phénomène.
Ces deux exemples, hermine/lapin et hermine/grand campagnol, montrent bien que c’est plutôt la densité de la proie qui conditionne celle du prédateur que l’inverse.
UNE EXPÉRIENCE AUX PAYS-BAS
Une situation un peu différente a été rapportée par deux scientifiques néerlandais, A. Van Wijngaarden et M. Bruijns, en 1961. Sur l’île de Terschelling, mesurant 110 km et plantée de différentes essences au début de ce siècle, les campagnols (Arvicola terrestris) ont commencé à faire des dégâts aux arbres et aux jardins dès 1920. Pour lutter contre eux, on introduisit, en 1931, neuf hermines et quelques belettes. En peu d’années, les hermines étaient 180. Dès 1937, on observait des fluctuations importantes de populations : les campagnols et les belettes avaient disparu, mais les hermines se maintenaient, en fluctuant, grâce à la population de lapins qui avait bénéficié de la disparition d’un concurrent. Sur une île, les paramètres sont beaucoup plus simples que sur un continent, mais l’expérience qui a été faite et qui a été bien suivie illustre les relations complexes existant dans un écosystème.
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