Paraboles de la Libellule
Posté par othoharmonie le 1 avril 2013
….. ET DU CASSE-TÊTE.
Dans le fond du marécage aux eaux tièdes vivent les larves de libellules. Elles en sont à la première étape de leur vie. Le soleil de juillet réchauffe les eaux du marais et les larves ressentent un envie irrépressible de monter vers la surface de l’eau. Et une fois montées à la surface, les larves connaissent un moment euphorique. Elles sentent en elles des forces insoupçonnées de libération. Elles vivent un moment exceptionnel, une transformation. Elles passent de l’état larvaire à celui de nymphe. Des ailes translucides apparaissent sur leur dos, des ailes aux nervures bien apparentes et des yeux globuleux viennent animer leur visage. Ces larves viennent de vivre une grande transformation, elles ne se reconnaissent plus et initient leur premier vol au-dessus de l’étang. Leur vol est tellement gracieux qu’elles nous font penser à de belles demoiselles distinguées. Pendant ce temps, les larves au fond du marais se posent des questions.
Qu’est-il advenu d’une telle ou d’une telle, on ne l’a pas revue! Et entre elles, les larves font un pacte. Celle qui vivra quelque chose de spécial s’engage à venir le dire aux autres. Et le lendemain, une de ces larves sent en elle un appel à monter vers la surface de l’étang. Le soleil la réchauffe et lui fait vivre momentanément une grande transformation. Elle s’envole en quête de lumière et d’espace. Toute la journée s’écoule comme un rêve, elle passe de ravissement en ravissement. Elle a l’impression d’être montée au septième ciel! Le soir venu, cette libellule se rappelle sa promesse.
Elle revient vers l’étang où elle a vécu ses premiers temps et tente de plonger dans les eaux tièdes du marais pour rejoindre ses sœurs. Ses quatre ailes lumineuses l’empêchent de descendre dans les eaux. Par toutes sortes de signes, elle tente d’alerter ses sœurs, mais peine perdue, aucune ne la reconnaît. Elle a trop changé. Et de guerre lasse, elle doit se résigner à reprendre son vol à la recherche de nourriture et d’insectes virevoltant au-dessus du marais.
Il nous arrive souvent d’entendre cette parole : « On sait pas s’il y a quelque chose de l’autre bord, personne n’est revenu nous le dire! » Cette parabole nous rappelle qu’après la mort nous vivons une grande transformation spirituelle, une résurrection, qui nous empêcherait d’être reconnu. Une transformation inespérée nous rendra méconnaissable aux yeux des personnes qui voudraient nous voir comme nous étions avant alors que nous sommes devenus transformés et transfigurés. Ressusciter ce n’est pas revenir comme avant mais c’est continuer comme après. L’apôtre Paul nous dit qu’il faut que ce qui est périssable en nous devienne impérissable, que ce qui est mortel en nous revête l’immortalité. Présentement nous sommes dans le monde du provisoire, comme ces larves de libellules au fond de l’étang. Un jour, nous passerons dans le monde de l’éternel. Dieu construira pour nous chez lui une demeure éternelle qui ne sera pas l’œuvre des hommes. (Cf. 2 Cor. 5,1)
La résurrection, selon l’apôtre Paul, c’est donc la recréation spirituelle de notre personne. Notre mode de vie actuel nous semblera bien larvaire en regard de la gloire et de la lumière dont nous serons revêtus dans le monde de la recréation ou de la résurrection. Alors Dieu sera tout en tous, il déposera en chacun de nous sa plénitude d’être, sa divinité.(Cf 1 Cor.15,28).
La parabole de la libellule nous rappelle donc ce grand mouvement de vie éternelle qui est en nous depuis notre baptême, notre identification au Christ, et qui nous projettera jusque dans la gloire finale. Ce jour où nous serons revêtus de lumière comme ces libellules revêtues de leurs grandes ailes translucides.
Passons maintenant à la parabole du casse-tête. Un jour, Dieu le Père projeta de lancer une grande œuvre de création dans le monde. Un grand projet en voie de réalisation. Un projet en constante évolution pour ainsi dire! Et Dieu travaillait à la manière des grands maîtres qui construisirent les mosaïques de la cathédrale de Ravenne. Ces mosaïques constituées de milliers tesselles nous rappellent l’humanité aux multiples visages. La mosaïque humaine devient pour le Seigneur un véritable casse-tête! Chaque petite pièce du casse-tête, chaque abacule est essentielle à la réalisation de cette œuvre qui fait rêver Dieu, qui fait sa gloire! Inlassablement et patiemment, le Seigneur s’emploie à faire en sorte que chaque pièce contribue à la réalisation de ce grand casse-tête. Le cosmos tout entier aspire lui aussi à partager la gloire des enfants de Dieu (Rom.8,21)
Il traverse les douleurs d’un long enfantement qui dure encore et qui aspire à la libération et à la délivrance. Notre monde et l’humanité qui l’habite aspirent de toutes leurs forces à la plénitude. L’apôtre Paul nous rappelle que l’Esprit-Saint qui présidait à la création du monde en survolant les eaux primales est le même que nous avons reçu et qui nous fait aspirer vers la plénitude. Notre Histoire a donc un sens, un avenir, un accomplissement ou encore un achèvement. Chaque personne est une pièce de ce casse-tête, un abacule irremplaçable contribuant à la réalisation du grand rêve de Dieu. Notre monde est donc un casse-tête voué à sa réalisation et Dieu se casse la tête pour que chacun contribue à la gloire des enfants de Dieu.
-Pierre-Gervais Majeau ptre-curé, Diocèse de Joliette, QC.
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