L’arbre aux Fourmis
Posté par othoharmonie le 6 janvier 2013
D’après la mythologie de l’arbre des Dan du Libéria et des peuples bantous de Tanzanie et du Kenya. D’après Le Figaro
Aux temps des origines, le jour éclatant ne cédait jamais place à la nuit.
Jamais on ne voyait monter la lune dans le ciel sombre. Ou peut-être décrivait-elle sa course en secret, masquée par la lumière éblouissante ?
Seul, bien vivant, dressé dans l’immensité, sans souci du temps, se déployait l’arbre du monde. Il se nourrissait des vents changeants de l’atmosphère : le vent de soleil faisait miroiter ses feuilles, celui de pluie y laissait tambouriner ses gouttes et le désaltérait.
Une colonie de fourmis avait élu domicile sur l’arbre. C’étaient les seuls animaux vivant en ces temps anciens. Elles se suivaient en procession sur le tronc, continuaient jusqu’au bout des branches et se régalaient des feuilles.
Le vent de soleil, le vent de pluie, l’arbre du monde et les fourmis, tous étaient issus du Verbe du Créateur.
Un jour, le vent de tempête décida de lutter avec l’arbre, pour voir qui serait le plus fort. Il déchaîna ses bourrasques et les enroula avec fureur autour de lui.
Le tronc se mit à tanguer, à craquer. L’arbre frémissait de toutes ses branches, s’arc-boutait sur ses racines. Il semblait entraîné dans une danse endiablée.
Mais le vent se lassa brusquement de ce jeu et, le calme revenu, les fourmis se remirent à dévorer mécaniquement les feuilles, comme si rien ne s’était passé. Elles en dévorèrent tant et tant qu’à la fin il n’en resta plus une.
Qu’allaient-elles manger à présent, sinon leurs propres excréments ?
Elles se mirent à les mastiquer avec ardeur, à les digérer de nouveau si bien qu’ils formèrent une montagne aussi haute que l’arbre. C’était la terre.
Le vent de tempête souffla le froid sur la montagne et les excréments se transformèrent en pierres. Il creusa des vallées et sculpta des crêtes. La glace et la gelée blanche firent leur apparition. Pour s’amuser, le vent se mit alors à souffler le chaud : les glaces fondirent, les eaux déferlèrent de la montagne, noyant toutes les fourmis sur leur passage. Puis grâce au vent d’humidité, les racines de l’arbre se déployèrent dans le sol et des pousses tendres jaillirent de l’humus.
Le Verbe créateur fit naître les animaux à sang froid et à sang chaud, puis les hommes et les femmes. Il donna à chaque oiseau son cri, au renard, son glapissement, et à l’Homme, la parole.
Extrait de Aux commencements du monde, Martine Corde-Cortez, Editions du Seuil, 2001
Illustrations : Catherine-Jeanne Mercier
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