Fourmis, peuple intelligent

Posté par othoharmonie le 4 janvier 2013

 

Fourmis, peuple intelligent dans FOURMI fourmi10-200x300La division des tâches chez les insectes sociaux (fourmis) est totalement plastique : le nombre d’individus appartenant aux différentes castes et la nature des tâches à accomplir sont sujets à des changements constants durant la vie de la colonie. La proportion d’individus se consacrant à une tâche donnée varie en fonction des perturbations interne du nid et globales de l’environnement.

Dans la mesure du possible, ce sont les individus les plus adaptés qui adoptent une tâche donnée, mais dans des cas extrêmes, même des individus de castes morphologiques inadaptées peuvent combler les besoins d’une tâche (par exemple, les ouvrières peuvent se mettre à défendre le nid si un manque de soldates se fait sentir).

 Comment est-ce que la colonie contrôle la proportion d’individus affectés à chaque tâche, étant donné qu’aucun individu ne possède de représentation globale des besoins de la colonie ?

La flexibilité de la division du travail dépend de la flexibilité comportementale de chaque individu, dont un modèle biologique plausible est le concept de seuil de réponse. Selon ce modèle, chaque individu possède un seuil de réponse, plus ou moins élevé, pour chaque tâche à accomplir au sein de la colonie. Ces tâches sont autant de stimuli pour les individus, qu’ils soient visuels, phéromonaux ou d’une autre nature. Lorsqu’un stimuli dépasse le seuil de réponse d’un individu, ce dernier se met instinctivement à travailler pour réduire ce stimuli.

Si l’on comparait cela au travail d’une ménagère, les stimuli seraient la vue du désordre ou les mauvaises odeurs. Lorsque ces dernières dépassent un certain seuil, la ménagère se consacrerait au rangement, ou au nettoyage. Lorsque le stimuli de la faim deviendrait trop important, elle se mettrait à manger.

En outre, les seuils de réponse sont adaptatifs : plus un individu se consacre à une tâche, plus le seuil associé baisse. L’individu se spécialise.

Le chemin le plus court

Une colonie doit s’alimenter pour survivre. Pour cela, les fourmis recherchent des sources de nourriture dans le voisinage du nid. Dans une première phase, elles errent de manière plus ou moins aléatoire. Lorsqu’une fourmi découvre une source de nourriture, elle retourne au nid en déposant des phéromones le long du chemin parcouru. Certaines espèces possèdent la faculté de revenir au nid très rapidement, grâce à un compas interne basé sur la polarisation de la lumière solaire, tandis que d’autres semblent plutôt s’orienter de mémoire. En chemin, la fourmi qui a découvert la source de nourriture recrute d’autres individus grâce aux phéromones déposées, mais aussi en réalisant des trophallaxies qui leur permettent d’évaluer la qualité de la source afin de choisir de suivre la piste ou non. De la même manière, un individu croisant une piste décidera de la suivre avec une certaine probabilité p1.

 A leur tour, les individus recrutés déposent davantage de phéromones sur la piste suivie, ce qui la rendra encore plus attractive. Ce renforcement positif amène la colonie à se concentrer peu à peu sur cette piste et à exploiter cette source. Néanmoins, chaque individu peut quitter la piste avec une certaine probabilité p2, favorisant alors l’exploration et la découverte d’autres sources de nourriture éventuellement plus favorables ou, de pistes plus courtes amenant à la même source.

Les colonies de fourmis ont non seulement la capacité de découvrir d’autres sources, mais aussi de basculer leur exploitation sur la source la plus favorable (en termes de qualité, de richesse et de distance). En effet, lorsqu’une fourmi découvre une nouvelle source, elle va pouvoir recruter d’autres individus qui décideront ou non de changer de piste en fonction de la qualité de la nourriture échangée par trophallaxie. En outre, et plus important, les phéromones s’évaporent: de ce fait, une piste courte étant marquée plus souvent qu’une piste longue, elle pourra être privilégiée au fil du temps.

 dans FOURMILa réussite des fourmis tient du parfait équilibre entre l’exploration et l’exploitation, entre une réaction négative et positive du système menant à son équilibre dynamique.

Dans cet exercice, les variables p1 et p2 jouent un rôle clé: dans la réalité elles se caractérisent par du bruit dans les organes sensoriels des fourmis qui peuvent les amener à perdre une piste, mais aussi par des considérations physiques: lorsque deux individus se croisent, l’un ou l’autre (ou parfois les deux) doit s’écarter de la piste, ce qui peut potentiellement l’amener à la perdre.

Au niveau individuel, cet événement est négatif en ce qu’il réduit l’efficacité de l’exploitation d’une source, mais au niveau global cela peut amener un énorme bénéfice. Les paramètres étant multiples, ce bénéfice peut être difficile à chiffrer : une source peut n’être caractérisée que par sa teneur en sucre et sa distance. Il se peut aussi qu’elle soit plus éloignée qu’une autre, mais beaucoup plus facile d’accès, ou à l’abri des prédateurs. C’est le fait des systèmes complexes que d’intégrer de très nombreux paramètres qui les rendent alors instables et chaotiques.

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