Fourmis de Guyanes
Posté par othoharmonie le 29 décembre 2012
Le littoral des Guyanes, qui s’étend sur près de 1600 km de l’embouchure de l’Amazone au delta de l’Orénoque, voit se déployer en arrière des mangroves, d’immenses savanes saisonnièrement inondées. Cette frange côtière basse et en apparence uniforme ne révèle certaines de ses particularités qu’à quelques mètres d’altitude. C’est en ULM que des archéologues ont remarqué le moutonnement régulier formé par des mottes de terre de taille et de forme très variables. D’un intérêt aujourd’hui limité pour les populations locales, ces immenses milieux ouverts sont le terrain d’étude d’archéologues et d’écologues européens. Constructions humaines ou nids de termites ?
Parmi ces organismes, les fourmis, les termites, les vers de terre et les plantes sont reconnus pour leurs actions “d’ingénieurs d’écosystèmes” dans les milieux. Ils agissent en effet sur les propriétés physiques et chimiques du sol, conditionnant ainsi la qualité de leur propre environnement et de celui des autres organismes. Les fourmis transportent d’importantes quantités d’insectes et de morceaux de feuille au cours de leurs activités de recherche de nourriture, et tout comme les termites, elles transportent des particules de terre des couches profondes du sol jusqu’à sa surface lors de la construction et du nettoyage de leurs nids sous-terrains.
Les vers de terre jouent un rôle important en creusant des galeries dans le sol, voies de pénétration privilégiées des racines, et en travaillant le sol par leurs déjections (turricules) qu’ils rejettent en surface. Le réseau racinaire des plantes quant à lui contribue à stabiliser et à drainer le sol alors que le feuillage, par l’ombre qu’il prodigue, permet de réduire l’évaporation de l’eau et donc de conserver un certain degré d’humidité dans le sol.
L’ensemble de ces activités, combinées et concentrées sur les buttes, rendent leur sol moins sensible à l’érosion provoquée par trois mètres de pluies annuels et facilitée par les feux saisonniers. Le cortège de fourmis, de termites, de vers de terre et de plantes sur les buttes contribue donc à maintenir ces structures au dessus du niveau des eaux en l’absence des activités de l’Homme.
Le littoral de Guyane est donc constitué de paysages qui ne sont ni des constructions purement anthropiques, ni formés par des actions totalement naturelles. Il s’agit là d’un nouveau type de milieu formé par l’interaction de remaniements agricoles précolombiens à l’origine, et d’ingénieurs naturels qui assurent aujourd’hui leur entretien.
Malheureusement, ces paysages sont aujourd’hui directement menacés par des projets d’aménagements (carrières, élevage de bétail…), impliquant leur destruction totale. Nous devons veiller à préserver les champs surélevés de Guyane en tant qu’héritage bioculturel exceptionnel, dont l’histoire des fourmis, des hommes et de leurs interactions ont encore beaucoup de choses à révéler.
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