Le cheval révélateur d’eau
Posté par othoharmonie le 18 octobre 2012
Le mythe le plus fréquent est celui du cheval qui révèle l’eau, tel Pégase faisant jaillir la source Hippocrène, le cheval sourcier du dieu Balder selon le folklore scandinave, le cheval blanc de Charlemagne creusant une source pour désaltérer les soldats en campagne, la jument de Bertrand du Guesclin découvrant les eaux de la Roche-Posay, ou encore Bayard, créateur de nombreuses fontaines portant son nom dans le massif central. Une explication possible réside dans une croyance partagée dans toute l’Eurasie, selon laquelle le cheval perçoit le cheminement des eaux souterraines et peut les révéler d’un coup de son sabot.
Des vertus sont parfois associées à ces eaux nées sous le sabot du cheval. L’Hippocrène acquière le don de changer qui y boit en poète, ce qui revient symboliquement à l’image d’un enfant buvant à la source, un « éveil des forces impulsives et imaginatives ». À Stoumont, le cheval Bayard aurait laissé son empreinte sur un bloc de quartzite. L’eau stagnante dans la cuvette de ce Pas-Bayard est réputée soigner les maladies de la vue et les verrues.
Le cheval né de l’eau
L’une des plus anciennes sources des légendes associant eau et chevaux figure dans le Rig-Veda, qui fait naître le cheval de l’océan. Dans la mythologie grecque, le cheval est l’attribut du dieu grec de la mer Poséidon, qui l’aurait créé avec son trident. Les hippocampes tirent son char au milieu des vagues. L’épopée celtique de Giolla Deacar parle de palefrois nés des vagues et venus du Sidh, capables de porter six guerriers sous l’eau comme en l’air.
Selon Raymond Bloch, cette association reprise dans le domaine romain par Neptune se retrouverait ensuite, à l’époque médiévale, dans le personnage du lutin, suivant une évolution linguistique où Neptune devient le monstre marin Neptunus, puis le Neitun du roman de Thèbes, le Nuitun sous l’influence des mots « nuit » et « nuire », et enfin le lutin. Le souvenir des chevaux de la mythologie, qui sont généralement blancs et apparaissent en jaillissant de la mer, est présent à l’époque médiévale bien que très estompé : c’est le cas dans le lai de Tydorel, où un chevalier mystérieux émerge de son royaume maritime sur le dos d’une monture blanche.
L’association entre le cheval et la mer est très fréquente dans les pays celtiques (en France, par exemple, elle se retrouve principalement sur les côtes bretonnes et dans le Poitou où la mer s’appelle Grand’jument), ce qui laisse à penser qu’en France du moins, son origine est Celte. Les chevaux aquatiques (Kelpie, Aughisky, Bäckahäst…), souvent vus comme féeriques, sont toujours mentionnés dans le folklore de nombreux pays d’Europe occidentale. Ils partagent une grande affinité avec l’élément liquide ainsi qu’une irrésistible beauté. Certains sont réputés très dangereux de par leur habitude de séduire les humains afin d’être chevauchés, pour ensuite les noyer, voire les dévorer. Leur forme la plus commune est celle d’un très beau cheval noir, blanc ou gris pommelé qui semble perdu et se tient debout au bord de l’eau où il broute tranquillement. En Bretagne et selon Pierre Dubois, tous les chevaux fabuleux « règnent sur la mer » et trois juments, aspects des vagues, possèdent le pouvoir de régler les marées, calmer la houle et les flots. Une autre mène les poissons. Cette association symbolique perdure à l’époque moderne, ainsi que le prouvent des films comme Crin-Blanc et Le Cheval venu de la mer.
Le sacrifice du cheval dans l’eau
Le sacrifice du cheval dans l’eau semble avoir été pratiqué par bon nombre de peuples indo-européens. Il participe généralement à des rites de fécondité : les Perses effectuaient ce type de sacrifice en l’honneur de la déesse Anahita, et les russes noyaient un cheval volé dans la rivière Oka, comme offrande saisonnière au « Grand-Père », génie des eaux. En Grèce antique, le sacrifice avait pour but de se concilier les bonnes grâces de Poséidon avant une expédition maritime. Les habitants de l’Argolide sacrifiaient ainsi des chevaux harnachés au dieu, les précipitant dans le fleuve la Dine selon Pausanias. Dans l’Iliade, les Troyens sacrifient des chevaux au fleuve Scamandre, vu comme une divinité.
Le cheval et la pluie
Le cheval de la pluie est vu comme un démon de la fécondité au rôle positif. En Afrique tout particulièrement, il assiste les divinités. C’est le cas chez les Ewes, où la monture du dieu de la pluie est vue comme une étoile filante. Les Kwore, initiés Bambara, connaissent un rituel pour appeler la pluie, dans lequel ils enfourchent un cheval de bois symbolisant les montures ailées de leurs génies lutant contre ceux qui veulent empêcher l’eau régénératrice de tomber du ciel.
Dans la religion nordique ancienne, les valkyries montent des chevaux de nuage dont la crinière fait tomber la rosée dans les vallées et la grêle dans les forêts. En basse-Autriche, l’apparition d’un géant sur un cheval blanc présage l’arrivée de la pluie.
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