Coccinelles, bêtes à ritournelles
Posté par othoharmonie le 31 août 2012
Petite bête rigolote, grimpante et volante, cachant et dépliant pattes et ailes, pas mordante (mais malodorante), elle est une coccinelle (Col. Coccinellidé) en « bon français », celui de l’école et des textes de bonne tenue comme ceux d’Insectes. Mais, dans la campagne, elle porte souvent un nom usuel différent, païen ou chrétien, variable selon les lieux mais avec des constances étonnantes au travers de l’Europe.
Aucun insecte n’a autant de dénominations. La coccinelle le doit à sa popularité, à sa familiarité et à ses « usages ». Parmi ceux-ci, son rôle comme auxiliaire de lutte biologique n’a produit aucun vocable. En revanche, à force de servir de jouet, d’auspice, de référence à la divinité, de porte-bonheur et de sujet ou de rime dans les chansons et comptines (tout ceci plus ou moins ensemble)… elle a reçu des noms multiples.
« Vache de Dieu, je vous prie Passez-moi par-dessus la barrière.
Emportez-moi au Paradis. Je vous supplie, jour et nuit. », récitent les jeunes Bretons après avoir tracé dans la paume de leur main une croix avec l’hémolymphe sourdant des articulations des pattes des individus stressés.
Vache, veau, agneau, poule, géline, poulet, chat (presque toute la ferme y passe), oiseau et tout simplement bête de Dieu, à Bon Dieu… se retrouvent de l’Irlande (et de la Bretagne) à la Russie. En hébreu, c’est la vache de Moïse. Une variante voue la coccinelle à la Vierge, à Marie, à Notre Dame… dont le manteau, sur les peintures d’église au Moyen-Âge était rouge, souvent orné de pois.
Dans la même sphère d’inspiration chrétienne, mettons les saintes (Catherine surtout), les saints (Martin et al.) et le paradis – toujours en qualificatif d’un des animaux sus cités.
L’origine de ces noms « sacrés » se perd dans la nuit des temps et, en Europe du
Nord, Freyja a précédé Marie. La petite bête a été, demeure en tous cas dans le langage, dédiée au ciel, au soleil et à la lune. Une récupération-adaptation, donc.
La coccinelle, pour porter bonheur (comme pour désigner la prochaine mariée ou indiquer l’heure qu’il est) doit s’envoler du bout du doigt ; il convient de l’encourager par des paroles adaptées – où son nom deviendra pivole, parvole, marivole,
manivole, vole-bête, vole-giraud, volehaut, etc.
Et une formule incantatoire, ça doit bien sonner ; d’où des noms composés comme
marie-chon-chon et des mots en « brb » (un radical qui désigne souvent des insectes) comme barboulotte ou barbot.
Enfin (mais cet articulet n’a aucune prétention à l’exhaustivité) deux métiers féminins servent à désigner la coccinelle : couturière et boulangère, on ne sait pourquoi.
Les enfants, après avoir compris que le nombre de points sur les élytres ne correspond pas à l’âge de l’individu, peuvent continuer à expliquer qu’elle ne court pas vite car elle a un point de côté ; ils doivent en tous cas perpétuer des coccinelles les petits noms, les formules et les ritournelles
FICHE I n s e c t e s 1 2 n ° 1 4 6 – 2 0 0 7 ( 3 ) Par Alain Fraval
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