« j’avais conservé ce texte dans un coin de mon ordinateur… et voilà que je vous le présente ici pour l’occasion ; or, je ne sais pas à qui il appartient. Alors si ce texte est à vous, vous voulez bien vous faire connaître ? SVP car j’aime beaucoup ces écrits – Merci à vous ! »
Voici donc :
Il est enfin temps de se préoccuper de l’injuste sort fait aux animaux de bouche. Ce que pour ma part je trouve très bien, car pendant ce temps là on évite de penser, de façon un peu lassante si vous voulez mon avis, à tout ceux qui, ici ou là et parfois même ailleurs sont victimes des fluctuations de politiques intérieures auxquelles ils ne comprennent rien, ou du bon vouloir d’un de ces sigles à vocation mondialement globalisante, qui travaillent inlassablement au bonheur du plus grand nombre dans l’anonymat qui sied aux modestes.
Tout cela c’est de la broutille qui disperse l’attention et nous distrait des vrais problèmes. Attaquons nous aux vrais scandales, car il y en a et s’il n’en fallait citer qu’un ce serait bien évidemment celui du sort réservé à cet animal emblématique qu’est l’escargot. Car en compagnie de l’huître, du canard, de l’oie, de la dinde, du saumon fumé et du pain de seigle, sans oublier le chapon bien entendu, l’escargot va entrer dans une période difficile, et disons le sans fard même si les mots font mal, dans une période tragique, ne nous voilons pas la face.
Mais avant d’aller plus loin il est peut-être bon de présenter l’escargot, un animal attachant par bien des côtés, mais hélas très peu connu car très discret, timide même, rentrant dans sa coquille à la moindre contrariété. Faut-il voir dans cette attitude un réflexe freudien lié au traumatisme de la naissance ?
C’est une hypothèse, mais la psychanalyse de l’escargot en étant à ses tout débuts il est aujourd’hui quasiment impossible de se prononcer avec certitude. Tous les spécialistes sérieux vous le diront.
L’escargot est un bovidé de petite taille, doté d’une fort belle paire de cornes qu’il porte fièrement en avant. Il vit en troupeau au sein duquel le mâle le plus vigoureux entouré d’un véritable » harem » pouvant compter deux à trois dizaines de femelles – car l’escargot est un chaud lapin – fait régner une loi d’airain, n’hésitant pas à charger l’imprudent qui viendrait renifler l’arrière train des femelles – car l’escargot n’est pas maniéré. J’ai vu bien des choses dans ma vie, mais je dois dire que le spectacle d’un grand mâle escargot furieux et soufflant par les naseaux, chargeant ventre à terre, est l’un des plus beau qu’il m’ait été donné de contempler à ce jour. A part peut-être celui de la reproduction de l’amibe commune dont je vous entretiendrai un jour.
L’escargot est un animal pratique, puisqu’il se déplace partout avec son étable sur le dos, rendant son élevage très rentable. Les frais d’infrastructure sont ainsi réduits au minimum, ce qui ne manque pas de séduire les » joint-venture » » business-angels » et autres » start-up » à l’affût de » process high-tech » et de revenus conséquents. Il est principalement élevé pour sa viande et son lait avec lequel on fait un beurre délicieux, le fameux beurre d’escargot qui doit sa finesse au fait que l’on envoie paître l’escargot dans les grandes prairies d’ail et de persil sauvage. Notons au passage que ce phénomène de corrélation nourriture-goût n’est pas propre a l’escargot, le pavé de charolais engraissé dans les prairies de sauce bourguignonne est aussi infiniment plus goûteux.
Il existe une autre variété d’escargot, sauvage celle-là, dont on capture les sujets mâles les plus agressifs pour les livrer à d’immondes jeux du cirque que l’on nomme les escargorridas. C’est un spectacle dégradant d’une barbarie peu commune où l’on voit des androgynes frétillants du croupion, sanglés dans des combinaisons de pompiste en lamé, les escargadors, rendre chèvre ces pauvres bêtes avant de les mettre à mort dans un rituel bestial et disons le tout net fascisant. Tout cela pour offrir à la fin, leurs testicules pantelants à la foule en délire. Le lecteur sagace aura compris ici que ces testicules pourraient avantageusement être greffés au chapon lui rendant ainsi sa dignité, mais hélas il n’en est rien. Quand ils ne finissent pas dans le caniveau, des pervers au goût décadent les consomment frits. Une triste fin comme on le voit pour d’aussi beaux attributs.
Mais revenons-en à ce qui a motivé ce grand cri d’indignation : le massacre des escargots durant la période de Noël. Ce n’est pas tant qu’ils soient massacrés qui est révoltant, c’est plutôt le fait qu’ils ne le soient pas humainement. On emploierait les gaz toxiques le napalm ou la bombe à fragmentation personne ni trouverait à redire, ces pratiques là sont entrées dans les mœurs depuis un bon moment et l’on ne peut que se féliciter de ce qu’un progrès aussi sophistiqué soit maintenant à la portée de tous sans distinction, mais la mise à mort des escargots est inhumaine, jugez en plutôt.
On commence d’abord par les mettre à jeûner dans la farine jusqu’à ce qu’ils défèquent tout blanc.
Premier préjudice moral celui là, imaginez-vous le traumatisme de l’escargot s’apercevant qu’il s’échappe de lui quelque chose de blanchâtre. C’est de la cruauté mentale, pas moins. Ensuite la cuisson, on les jette vivants dans un liquide bouillant. Alors là le spectacle est littéralement terrifiant, les pauvres bêtes meuglent à fendre l’âme et se piétinent sauvagement pour essayer de s’échapper, dans une cohue indescriptible.
Il faut quand même faire remarquer que si cette mise à mort est ignoble elle a pour elle le mérite de la simplicité, car faire déplacer un B52 pour bombarder les escargots est une entreprise que je ne le conseillerais à personne. J’ai essayé une fois par souci d’humanité, eh bien c’est du tracas, ça demande une logistique sans faille, et je ne vous décris pas l’état de ma cuisine après cela.
On comprend pourquoi beaucoup s’en tiennent à des pratiques artisanales : tuer mesquinement certes, mais tuer confortablement.