Escargots de mer
Posté par othoharmonie le 16 juin 2012
Le bigorneau (probable dérivé de bigorne), dans l’acception la plus usuelle et la plus étroite, notamment commerciale, est le plus consommé des petits gastéropodes marins à coquille spiralée. Dans ce sens, il correspond à l’espèce Littorina littorea. Du fait de son importance économique, ce nom est compris et utilisé partout, y compris au Québec où il a fait l’objet d’une décision de normalisation de la part de l’Office québécois de la langue française. De manière un peu plus large, le terme désigne d’abord les littorines, c’est-à-dire les représentants de la famille des littorinidés et plus spécialement du genre Littorina.
Enfin, dans le sens le plus général, par extension — et par confusion —, on appelle familièrement « bigorneaux » divers petits gastéropodes marins, en particulier ceux de l’estran, pourvu que leur coquille soit spiralée (par opposition aux patelles) et bombée. C’est à cette signification approximative que se rattache la désignation de certains membres de la famille des Muricidae sous le nom de « bigorneaux perceurs ».
Les littorines
- Littorina littorea, le « vrai » bigorneau, encore connu selon les régions et les auteurs sous les noms de bigorneau commun, bigorneau gris ou bigorneau anglais (au Canada où il a été introduit).
Les autres littorines ont également droit à cette appellation et sont même régulièrement affectées d’une nomenclature binominale avec « bigorneau » comme composant générique. Les plus connues sont :
- Littorina obtusata, nommé bigorneau jaune (c’est l’espèce dont les enfants font des colliers sur les côtes françaises), ou bigorneau lisse ;
- Littorina saxatilis, nommé bigorneau rude, bigorneau rugueux ou encore bigorneau des rochers.
Les troques
Certains représentants de la famille des Trochidae (troques, gibbules) sont régulièrement appelés « bigorneaux de chien » sur le littoral atlantique français. Cette appellation est probablement liée au fait qu’ils sont méprisés, leur valeur alimentaire étant jugée bien moindre que celle du « vrai » bigorneau : ils sont plus durs, souvent moins charnus et moins savoureux. En fait, on tend à nommer « bigorneau de chien » toute espèce de bigorneau que l’on ne mange pas, y compris les bigorneaux perceurs (voir plus bas) ou les nasses.
- Osilinus lineatus, le plus grand des bigorneaux de chien avec Gibbula magus, a été régulièrement consommé par les populations côtières depuis la préhistoire; il est parfois également nommé « bigorneau gris ».
- Calliostoma zizyphinum, une autre troque, a été signalée sous le nom de « bigorneau de homard ».
Bigorneaux perceurs
Un certain nombre d’espèces de la famille des muricidés portent le nom de bigorneaux perceurs. Il s’agit d’animaux prédateurs, s’alimentant essentiellement à partir de bivalves. Trois d’entre eux sont très régulièrement désignés sous cette appellation en raison des dégâts importants qu’ils peuvent provoquer dans les élevages conchylicoles (moules, huîtres, palourdes).
- Nucella lapillus, également nommée « pourpre ».
- Ocenebra erinacea, aussi connu sous l’appellation vernaculaire « cormaillot ».
- Ocinebrellus inornatus, une espèce originaire de la mer du Japon, introduite accidentellement à la faveur des importations d’huîtres creuses japonaises et qui pose — ou a posé — de graves problèmes économiques dans le bassin de Marennes-Oléron ainsi qu’au Canada.
Le terme de bigorneau perceur peut être employé dans un sens générique. Au Québec, par exemple, Ocenebrellus inornatus est nommé « bigorneau perceur japonais ». Par ailleurs, deux muricidés invasifs, Rapana venosa, également originaire de la mer du Japon et Urosalpinx cinerea, en provenance des côtes est de l’Amérique du Nord, sont parfois, par extension, qualifiés de bigorneaux perceurs en dépit de la taille de leur sexe très supérieure à celle d’un bigorneau classique. Cette espèce s’accouple six à dix fois par jour selon la disponibilité de ses partenaires.
Le terme « bigorneau » a fini par dominer toutes les autres appellations vernaculaires, au point d’être unanimement compris dans tout le domaine francophone, y compris en Amérique du Nord. D’autres noms peuvent toutefois subsister de manière plus ou moins courante dans l’usage local. La liste ci-dessous est très loin d’être exhaustive.
Quant au terme « littorine », son origine est manifestement savante puisqu’il s’agit de la francisation du nom de genre latin Littorina. Il est toutefois désormais couramment utilisé, avec ou sans épithète, pour désigner les différentes espèces de ce genre.
Il arrive enfin — peu fréquemment il est vrai — que la dénomination « escargot de mer » soit proposée en synonymie de « bigorneau », presque toujours dans des documents de vulgarisation. Il est peu probable qu’elle ait une origine véritablement populaire. Il s’agirait plutôt d’une désignation à visée pédagogique, soulignant la ressemblance entre un animal terrestre universellement connu et un parent maritime certainement moins familier, en particulier pour les populations de l’intérieur. En Bretagne on parle aussi du « pharin », sans doute parce qu’il est bien souvent l’hôte des phares.
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