Gobe Mouton en 1835

Posté par othoharmonie le 6 mai 2012

Gobe mouton et égagrophiles

(D’après un article paru en 1835)

 

Quelques campagnards méchants et madrés ont peut-être encore la recette des gobe-mouton, espèces de pilules destinées à faire mourir le troupeau du voisin.

Gobe Mouton en 1835 dans MOUTON moutonsCes pilules se composent, dit-on, de bourre ou de filasse roulées en boulettes que l’on fait frire, ou que l’on enduit de poix de beurre, ou de miel. L’innocent animal, affriandé par l’enveloppe, GOBE avidement les pilules meurtrières placées le long du chemin, ou cachées cautereusement sous l’herbe par l’ennemi de son maître.

On a ouvert des moutons soupçonnés d’avoir été GOBÉS ; leur estomac contenait en effet les fatales boulettes qui paraissaient confectionnées comme nous venons de l’expliquer.

En 1792, un laboureur des environs d’Evreux, accusé d’avoir détruit ainsi un troupeau, fut condamné à la flétrissure et à six années de galères. Cet homme appela du jugement. Le tribunal d’appel crut devoir consulter la société royale d’agriculture, sur la question de savoir si le gobe-mouton était en effet un moyen d’empoisonnement.

Il résulta du rapport de cette société que les prétendus gobe-mouton n’étaient que des égagropiles, c’est-à-dire des pelottes de poils ou de laines que l’on trouve dans la panse de plusieurs animaux ruminants, qui sont recouverts d’un enduit visqueux produit par les sucs de l’estomac, et qui en effet peuvent causer leur mort. (Egagropile est formé des mots grecs aïx, chèvre ; agrios, sauvage ; pilos, balle de laine).

Le séjour des poils et de la laine dans l’estomac en altère la couleur, de sorte qu’on peut les prendre pour de la vieille bourre. La société d’agriculture expliqua ainsi la formation des égagropiles.

Les animaux, en léchant leurs petits et se léchant eux-mêmes, ramassent sur leur langue des poils et des filaments de laine qui passent dans l’estomac ; les moutons particulièrement avalent de la laine ; en hiver, les plus avides s’enfonçant dans les rateliers, couvrent leur toison de fragments de fourrages que les autres s’empressent de brouter en arrachant de la laine qu’ils avalent en même temps ; en été, des flocons de laine s’accrochent aux broussailles, et les bêtes les mangent en broutant.

La société d’agriculture fortifia son avis d’un certificat du maître de poste de Nonancourt, qui avait plusieurs fois placé des gobe-mouton sur les chemins où paissait son troupeau et qui n’avait vu aucun animal y toucher.

Le malheureux laboureur ne fut point marqué du fer rouge, il n’alla pas aux galères, il fut absout. Mais on peut croire qu’avant lui, d’autres accusés moins heureux avaient été condamnés au supplice pour le même délit par des tribunaux qui avaient jugé sans un examen aussi approfondi.

 

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