Les Mouches de Sartre

Posté par othoharmonie le 11 avril 2012


    Seule oeuvre qualifiée de drame par Sartre, la pièce  Les mouches fut créée le 3 juin 1943 et fut mise en scène au théâtre de la Cité par Charles Dublin.

Cimbex sp.    Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre revient dans Argos, sa ville natale d’où il a été chassé âgé dès trois ans ,ses parents ayant été assassinés par Egisthe, l’ amant de Clytemnestre. Il a voyagé et a appris que l’ opinion est subjective et n’est pas vérité, d’où sa « liberté d’esprit ». En revenant dans sa ville, il s’aperçoit cependant que cette liberté ne lui a justement pas permis de se constituer en tant qu’identité. Ses paroles attestent de ce que rien ne lui appartient: « Je suis libre, Dieu merci. Ah! comme je suis libre .Et quelle superbe absence que mon âme Je vais de ville en ville , étranger aux autres et à moi-même »
    Tout ce qui relève de la cité qui devrait être sienne lui est inconnu puisqu’il n’y a pas vécu, il conçoit alors le désir de se donner ce droit de cité : »Si je pouvais m’emparer, fut-ce par un crime, de leurs mémoires, de leur terreur et de leurs espérances pour combler le vide de mon coeur, dussé-je tuer ma propre mère… » Ces dernières paroles sont prononcées sans réelle intention de les réaliser, ce qui va toutefois arriver par l’intervention d’Electre sa soeur. Celle-ci, restée à Argos, a vécu dans la rancoeur et le désir de la vengeance. Elle a ainsi subi les mouches, symbole du remords envoyé par les dieux aux habitants de la ville ; ainsi tous ont payé pour le crime d’Egisthe et de sa complice Clytemnestre.

    Cette implication du texte rappelle que la pièce  les Mouches fut jouée pour la première fois sous l’ occupation allemande, le gouvernement de Vichy ayant mis en place une politique de culpabilisation sur laquelle nous ne nous étendrons pas pour revenir à Oreste et à l’ acte qui va le faire véritablement libre.

   Les Mouches de Sartre dans MOUCHE 220px-Orestes_Electra_Python_MAN Dès qu’il prend connaissance du rêve de sa soeur, il ne veut plus que le réaliser. Egisthe ne cherchera  d’ailleurs pas à se défendre puisque comme il le dit lui même: « Qui suis-je, sinon la peur que les autres ont de moi? « Jupiter ne se satisfait pas de ce crime, qui contrairement à celui d’Egisthe sera celui d’un homme libre: « Qu’ai-je à faire d’un crime sans remords, d’un meurtre insolent…Je hais les crimes de la génération nouvelle: ils sont ingrats et stériles comme de l’ivraie ». Si Egisthe a fait peser la culpabilité- qui relève de la mauvaise foi puisqu’il nie ses responsabilités- de son crime sur tout Argos, Oreste est le seul à assumer la responsabilité du sien et, comme il ne s’en repent pas, les dieux n’ont pas d’emprise sur lui. Sa soeur, au contraire, à la suite de l’acte qu’elle n’avait fait que souhaiter (« j’ai rêvé ce crime ») choisit sa culpabilité. Comme le dit Jupiter, » Mais tu n’as jamais songé à les réaliser…Tu n’as pas voulu le mal: tu n’ as voulu que ton propre malheur…Tu as joué au meurtre ».

    Electre reste donc soumise aux dieux, elle ne prend pas conscience de sa liberté, il en est tout autrement de son frère: il se dit « libre », cette « liberté » a fondu sur lui « comme la foudre »…Par delà l’angoisse et les souvenirs. Libre. Et d’accord avec moi »- s’il ne l’est, en effet pas avec sa soeur- »Je ne suis pas coupable, et tu ne saurais me faire expier ce que je ne reconnais pas pour un crime » dit-il à Jupiter dans la scène trois de l’acte trois. Bien qu’il ait essayé de convaincre Electre de ne pas « se haïr », « ses souffrances viennent d’elle, c’est elle seule qui peut s’en délivrer: elle est libre ».

    Condamné à être libre, Oreste « ne peut suivre que son chemin et chaque homme doit inventer son chemin. » Pour Sartre chaque  homme détermine la valeur de ses actes car Dieu n’existe pas.

    Dans « Qu’ est-ce que la littérature? » (Situations II), Sartre explique « Les héros sont des libertés prises au piège comme nous tous. Quelles sont les issues? Chaque personnage ne sera que le choix d’une issue et ne vaudra pas plus que l’issue choisie. En un sens, chaque situation est une souricière, des murs partout: je m’exprime mal, il n’y a pas d’issue à choisir. Une issue, ça s’invente. Et chacun, en inventant sa propre issue, s’invente soi-même.
    L’homme est à inventer chaque jour ». Ce qui fait qu’ Oreste n’est pas seulement En-Soi, c’est cette liberté qui est le pouvoir que détient la conscience de se soustraire aux déterminations naturelles. Par elle, il se fait Pour-soi dont « la loi d’être, comme fondement ontologique de la conscience, c’est d’être lui-même sous la forme de présence à soi, L’ Etre et le Néant , partie II .

 dans MOUCHE    Si l’on en revient au choix d’Oreste, qui après avoir délivré la ville de son tyran, la quitte cependant, c’est que sa liberté n’a de sens que pour lui puisqu’elle ne concerne que lui. Il ne veut pas dépendre des autres: « je veux être un roi sans terre et sans sujets ».
    Il apparaît donc que ce qu’ il enviait, n’était pas la situation des gens d’Argos mais simplement la personnalité singulière qu’elle leur confère. Il veut SA situation propre par SES propres actes. Il se fait exister par un acte, censé les libérer tous, mais qui le libère seul. Les gens d’ Argos, saisissent son acte mais Oreste est le seul à savoir qu’il est libre puisque ses critères n’engagent que lui d’où ses paroles: vous ne pouvez ni me châtier, ni me plaindre ,et c’est pourquoi je vous fais peur « 

    En quittant Argos, Oreste affirme encore sa liberté « Pour-soi », et considère comme inessentielle son existence « pour- autrui »: il est seul.
    Selon Sartre lui-même « la liberté n’est pas je ne sais quel pouvoir abstrait de survoler la condition humaine: c’est l’engagement le plus absurde, le plus inexorable. Oreste parcourt son chemin, injustifiable, sans excuses,(Ö),seul, comme un héros. »

    D’ abord portée sur l’être de l’en-soi mais prenant un certain recul par rapport à lui, la conscience est alors rapport à l’ être qu’elle n’est pas (pour-soi), ainsi elle se rend responsable, comme celle d’Oreste. « Le pour-soi ne peut soutenir la néantisation sans se déterminer lui même comme un défaut d’être. Cela signifie que la néantisation ne coïncide pas avec une simple introduction du vide dans la conscience .(…),mais c’est le pour-soi qui se détermine perpétuellement lui-même à  n’être- pas l’en-soi. » ( L’ Etre et le Néant, « ‘Etre- pour- soi » chap.I) ….

Description de l'image  Jean-Paul Sartre FP.JPG.Les Mouches est la première pièce de théâtre de Jean-Paul Sartre donnée au public, si nous faisons exception de Bariona, montée alors qu’il était en captivité.

Une jeune comédienne, Olga Kosakiewicz (Olga Dominique de son nom de scène), amie très proche de Sartre et de Simone de Beauvoir, suivait des cours d’art dramatique chez Charles Dullin. Celui-ci indiqua au philosophe que l’idéal serait qu’elle joue dans une pièce de théâtre pour apprendre son métier d’actrice. C’est ainsi que Sartre composa, pour elle, Les Mouches, que Dullin monta au Théâtre de la Cité anciennement Théâtre Sarah Bernhardt, renommé ainsi par les forces d’occupation allemandes en raison des origines juives de la comédienne.

C’est à l’occasion de la première, le 3 juin 1943, qu’il fit la connaissance d’Albert Camus à qui il pensera, tout d’abord, pour tenir le rôle de Garcin dans Huis clos.

Les Mouches est un drame en trois actes qui prend racine à l’intérieur du mythe grec antique des Atrides pour développer une conception philosophique de la tragédie mettant fin aux sanglants combats des fils d’Atrée.

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