Art du camouflage de la pieuvre
Posté par othoharmonie le 18 mars 2012
Pour échapper à un ennemi, la pieuvre bénéficie d’un atout grâce auquel elle dissimule sa fuite et donne le change : elle puise une sorte d’encre dans une poche spéciale et en envoie de petits jets. Le nuage noir ainsi dégagé, qui semble dessiner la forme de l’animal, peut persister 10 minutes. Présente chez la plupart des céphalopodes, cette poche débouche dans l’intestin, tout près de l’anus. Elle comprend deux parties, l’une, glandulaire, produisant la mélanine, l’autre servant de réservoir pour ce pigment noir qui, mélangé au mucus, formera cette « encre » que la pieuvre expulse à volonté en nuage compact pour désemparer son agresseur.
Pour passer inaperçue ou, au contraire, pour attirer l’attention, lorsqu’elle veut, par exemple, impressionner un ennemi ou séduire son partenaire en vue de l’accouplement, la pieuvre possède toute une batterie de mécanismes combinant à la fois posture, structure cutanée et couleurs.
Changer de couleur et de forme
Particulièrement remarquable est la capacité de ce mollusque de changer de couleur d’une façon radicale et, parfois, instantanée. C’est le fait des chromatophores, cellules pigmentées du derme, hautement spécialisées. Grandes, elles sont entourées d’une couronne de fibres musculaires en forme de rayons qui peuvent se contracter. Leur contraction dilate la cellule pigmentée, le retour au repos étant ensuite effectué par la contraction du sac pigmentaire. La couleur ainsi obtenue dépend à la fois du pigment et de la densité des grains qui le composent, c’est-à-dire de l’état d’expansion de la cellule. Chez la pieuvre, les chromatophores sont superposés en 4 ou 5 couches, et leurs pigments peuvent être jaunes, orange ou rouges, et souvent bruns et noirs. Comme toutes les cellules, les chromatophores vieillissent. Jaunes et orange quand ils sont jeunes, ils foncent avec l’âge.
La disposition des cellules pigmentaires semble liée à celle d’autres cellules sous-jacentes, qu’elles peuvent alternativement masquer ou dévoiler, selon leur état de contraction. Ce sont les iridophores et les leucophores, dont la taille ne varie pas. Les premières sont dotées d’un indice de réfraction élevé et produisent des couleurs structurales. Les leucophores dispersent la lumière et apparaissent comme des taches blanches. L’interaction de ces différents éléments (chromatophores recouvrant des leucophores eux-mêmes entourés par des iridophores) est à l’origine des champs chromatiques qui produisent la variété des dessins de la peau. Le Britannique J. Messenger a montré que cet art du camouflage, propre aux céphalopodes, résulte d’un simple phénomène passif de réflexion, les pieuvres ne discernant pas les couleurs. Lorsque les chromatophores se contractent, les iridophores réfléchissent automatiquement les rayons lumineux qui les touchent, quelle que soit la longueur d’onde émise. Les leucophores, eux, forment des taches claires ou sombres. Les chromatophores imitent simplement le clair-obscur ou l’intensité du fond.
Les dessins composés par la pieuvre ne dépendent pas seulement des facteurs chromatiques, mais aussi de la posture et de la structure de l’animal. Ainsi, pour disparaître aux yeux des prédateurs, son corps se couvre de larges taches sombres et claires et se hérisse de papilles, tandis que les bras dorsaux de l’animal se lèvent et se tordent.
Le nombre des dessins fondamentaux composés par la pieuvre est limité. Certains, dits « permanents », sont destinés essentiellement à rendre le mollusque invisible et ne changent pratiquement pas durant des heures ou même des jours. D’autres, qui ne durent que quelques secondes ou quelques minutes, ont pour effet, au contraire, d’attirer l’attention ou d’impressionner. Dans ce dernier cas, la pieuvre pâlit, seul le bord des bras reste très foncé. Quant au corps, il est lisse, et les bras s’arrondissent en un grand arc, tandis que la membrane qui les relie est tendue au maximum.
Selon les recherches effectuées en 1969 par le Britannique A. Packard et l’Américain G. Sanders, les pieuvres ne possèdent à leur naissance que 65 chromatophores, alors que, à l’âge de un an, on en compte déjà de 1 à 2 millions. Le nouveau-né ne peut que pâlir ou s’assombrir. Chez les petits, seuls les mécanismes liés à la posture ont atteint leur plein développement : contre une agression, le très jeune animal se contente de se rendre invisible et de prendre la fuite. Plus tard, avec l’évolution de son cerveau, il essaiera d’intimider l’agresseur.
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