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L’image de la Pieuvre

Posté par othoharmonie le 18 mars 2012

 

L'image de la Pieuvre dans PIEUVRE 200px-Nautilus_view_bayMet apprécié des cuisines méditerranéennes depuis l’Antiquité, cet innocent mollusque n’a pas toujours représenté la figure d’un pouvoir occulte démesuré. Il semble bien que ce soit une confusion taxinomique avec un autre céphalopode, l’Architeuthis, ou calmar géant, qui lui confère dans le récit des marins son aspect monstrueux.

 Très vivante dans le folklore scandinave, la figure mythologique du Kraken (que nous avons vu plus haut), pourvue de nombreux bras qui s’agrippe aux navires et les entraîne vers le fond, n’a pourtant jamais été représentée et garde tout son mystère jusqu’au XVIIIe siècle. L’article que lui consacre le Supplément de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert croit pouvoir identifier cet animal légendaire à une sorte de poulpe géant. Cette conjecture est entérinée par le naturaliste Pierre Denys de Montfort dans son Histoire naturelle des mollusques (1802), qui lui donne sa première concrétisation iconographique, inaugurant un genre qui, de Vingt mille lieues sous les mers (Jules Verne, 1869) à Pirates de Caraïbes II (Gore Verbinski, 2006), occupe une place marquée de l’imaginaire enfantin.

 A ce stade, l’image de la pieuvre géante est une figure de fantaisie, proche du dragon ou de la licorne. Elle évoque une force menaçante dissimulée au fond des mers, sans pour autant être liée à un contenu métaphorique déterminé. A la fin du XIXe siècle, on la voit associée à la franc-maçonnerie, première manifestation d’un lien entre cette figure et un pouvoir occulte – mais sur un mode qui tient encore de la caricature amusante, non de la dénonciation argumentée. En 1901, un récit de l’écrivain américain Frank Norris lui donne valeur de modèle structural. En décrivant les manipulations spéculatives des compagnies de chemins de fer destinées à affaiblir les paysans californiens, The Octopus (La Pieuvre) installe l’idée d’un pouvoir tentaculaire secret qui agit par le biais des leviers économiques.

 Souvent noyées à tort dans un nuage d’occultisme et de folklore, les formes modernes du conspirationnisme sont directement liées à l’essor de nouveaux pouvoirs économiques sans contrepartie ni contrôle politique, qui accompagnent le développement du capitalisme industriel à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. L’image de la pieuvre géante s’avère une figure idéale pour donner une figure concrète à des entités mal définies dont l’action n’est perceptible qu’indirectement. A la connotation traditionnelle de puissance cachée du Kraken, les tentacules permettent d’ajouter l’idée de ramifications multiples, tandis que le corps mou du céphalopode illustre celle d’un pouvoir sans visage. Au début du XXe siècle, l’essor de la communication commerciale et politique emprunte à l’univers de la caricature la force de la simplification métaphorique. Dans ce contexte, la figure de la pieuvre devient une redoutable arme visuelle.

Une illustration de Vingt mille lieues sous les mers par Alphonse de Neuville Il lui manque encore un élément décisif. C’est la combinaison de la pieuvre et de ses tentacules avec la figure géographique du globe ou du planisphère qui lui confère sa forme achevée. Dans un dessin du Minneapolis Times de 1902, intitulé « The Octopus Who Strangles the World » (« La pieuvre qui étrangle le monde »), la tête du céphalopode est celle de John Davison Rockefeller, PDG de la Standard Oil, dont les bras enserrent le monde entier.

Dès lors, cette figure s’appliquera à toutes les formes d’empire, supposé ou réel, dont la domination est perçue comme le résultat d’un mécanisme caché. En 1917, l’ouvrage du géographe allemand Alfred Hettner, Englands Weltherrschaft und ihre Krisis (« La crise de l’empire mondial anglais »), fournit un modèle canonique qui inspirera de nombreuses déclinaisons, notamment des versions dénonçant la ploutocratie américaine ou la Russie bolchevique.

 Les figures et les métaphores aussi perdent leur efficacité et se dévalorisent, au fur et à mesure de leur répétition et de la diversification de leurs contextes d’usage. D’une grande puissance graphique, la figure de la pieuvre assise sur le monde finit par souffrir de sa dimension caricaturale et de son association étroite à l’univers conspirationniste. On la trouve encore employée après-guerre, par exemple par le parti communiste français pour dénoncer le plan Marshall. Mais le coeur n’y est plus, et la figure tombe rapidement en désuétude. On ne la rencontre désormais plus guère que dans les ouvrages ou les sites inspirés par la mouvance islamiste, qui associent volontiers antisémitisme et dénonciation de l’Occident capitaliste.

 Stauroteuthis syrtensisQue conclure de ce parcours iconographique? Si l’on ne peut nier que l’image de la pieuvre géante ait été associée à l’antisémitisme, cet usage est loin d’épuiser sa signification. C’est parce qu’elle est une représentation par excellence de la conspiration qu’elle a été utilisée dans le cadre antisémite, et non l’inverse. Le film de Grignon lui-même en apporte la preuve: dans la séquence incriminée par Riché, la mention des Rothschild n’est pas faite au hasard, mais renvoie à un épisode historique cité de façon elliptique, qui attribue un rôle-clé à la création de la Réserve fédérale américaine en 1913. Cette thèse renvoie à un schéma complotiste déjà ancien, dont on peut retrouver de nombreuses occurrences en ligne, qui décrit une société secrète, prétendument intitulée La Pieuvre noire (cette organisation où l’on rencontre aussi bien des francs-maçons que des communistes, vise évidemment l’instauration d’un gouvernement mondial).

 La pieuvre de Grignon n’est pas antisémite, mais bien complotiste. Faute d’interroger d’assez près les documents qu’il utilise, Pascal Riché se trompe à plusieurs reprises dans ses interprétations visuelles. L’un des exemples historiques auquel il renvoie, sans en identifier la source, est issu du pamphlet américain Coin’s Financial School, publié en 1893 par William Hope Harvey. Là encore, il s’agit d’une charge anticapitaliste et anti-anglaise, sans aucun lien avec l’antisémitisme. Un prof n’aime pas qu’on lui fasse la leçon. Pour se le permettre, encore faut-il disposer d’arguments irréfutables. Dans le cas contraire, mieux vaut réfléchir à deux fois avant de procéder à des associations hasardeuses.

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Pieuvre et évolution

Posté par othoharmonie le 18 mars 2012


Pieuvre et évolution dans PIEUVRE 175px-Colossal_octopus_by_Pierre_Denys_de_MontfortLa pieuvre est unique aujourd’hui, parmi les invertébrés, pour le haut degré d’évolution qu’elle représente. Des mollusques primitifs d’il y a 500 millions d’années, qui portaient une lourde coquille, à la pieuvre qui peuple nos mers, l’adaptation de cet animal à son milieu a été prodigieuse.

La pieuvre commune (Octopus vulgaris) appartient à la classe des céphalopodes (un mot qui signifie tête et pieds), ce sont les plus évolués des mollusques. Ils sont apparus dans les océans il y a plusieurs centaines de millions d’années, au cambrien (ère primaire), bien avant les vertébrés. À cette époque, ils possédaient une coquille externe. Ce sont probablement les premiers animaux d’une certaine taille nageant dans les océans, et ils y ont joui d’une grande liberté pendant des millions d’années. Leur situation a commencé à se détériorer à la fin du paléozoïque (ère primaire) – au dévonien et au carbonifère – et davantage encore au début du mésozoïque (ère secondaire), au moment où les poissons et, plus tard, les reptiles se sont répandus dans les océans. Pour survivre, certains céphalopodes se sont retirés dans des eaux plus profondes, d’autres sont devenus plus mobiles, car l’épaisseur de leur coquille s’est réduite. À l’approche de l’ère tertiaire, elle devient interne ou disparaît. Les calmars, seiches et pieuvres vont ainsi survivre jusqu’à nos jours dans les eaux côtières, dangereuses mais riches.

 320px-Enteroctopus_dolfeini dans PIEUVRE   Les différentes phases de cette évolution ont pu être très rigoureusement suivies, grâce aux nombreux fossiles de céphalopodes primitifs ayant une coquille externe (ammonites, bélemnites…) qui ont été retrouvés. Il en existe actuellement un représentant encore en vie : le nautile. Comme ses ancêtres, celui-ci construit, au cours de sa croissance, des loges successives dans lesquelles l’eau est remplacée par un gaz qui assure sa flottabilité. En revanche, on ne sait guère, en l’absence de données paléontologiques les concernant, comment les espèces actuelles, à corps mou ou munies d’une coquille interne, ont évolué dans le passé. On sait seulement que tous les céphalopodes ont été, à une époque, en compétition avec des vertébrés, ce qui a influencé leur évolution.

   Les céphalopodes récents les mieux connus représentent trois lignées distinctes. Le calmar évolue en pleine mer, la seiche, elle, est un peu au-dessus du fond marin, tandis que la pieuvre (ou poulpe) ne le quitte que rarement.

    Octopus vulgaris est certainement l’un des céphalopodes les plus répandus et les plus connus. Le philosophe grec Aristote l’identifiait déjà parmi les autres espèces de la Méditerranée orientale.

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Pieuvre et synergétique

Posté par othoharmonie le 18 mars 2012

Octopus vulgaris évolue sur le fond de la mer, près des côtes, en solitaire attaché à son territoire, dont il chasse les intrus. La pieuvre commune s’installe dans un abri individuel, le plus loin possible des autres animaux. Elle n’accepte les relations avec ses congénères que pour la reproduction. Après celles-ci, la femelle retrouve vite la solitude pour couver ses œufs.

    D’ordinaire, les pieuvres ne se déplacent que pour chercher leur nourriture ou, tout au plus, pour changer d’abri. Vivant en contact étroit avec le fond marin, elles s’appuient souvent sur leurs bras, ou encore rampent, les bras étalés, lorsqu’elles avancent ou reculent, sans hâte. Pourtant, elles peuvent aussi se déplacer rapidement par propulsion.

La propulsion à réaction

 Une jeune femelle.Ce système locomoteur, unique dans le règne animal, a joué un rôle important dans l’évolution des céphalopodes. Il sert surtout aux déplacements rapides. Par une fente située du côté ventral du corps, ou manteau, et appelée fente palléale, l’eau pénètre dans une cavité dite cavité palléale. Puis les muscles circulaires du manteau se contractent, ce qui ferme la fente et expulse l’eau par le tuyau de l’entonnoir qui émerge en permanence de la cavité. Le courant ainsi créé propulse l’animal dans la direction opposée. Plus les contractions sont fortes, plus la pieuvre se déplace rapidement, les bras dans le prolongement du corps. La pieuvre change de direction à son gré en orientant l’entonnoir, très mobile, un peu comme un gouvernail, et il lui suffit d’écarter les bras pour freiner. Tandis que l’animal se déplace, les mouvements des muscles du manteau assurent à la fois le déplacement et l’irrigation des branchies en eau oxygénée.

    La pieuvre peut ainsi se déplacer lentement, en avant comme en arrière, ou encore nager rapidement, à reculons, à la recherche d’une proie, ou pour prendre la fuite.

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Art du camouflage de la pieuvre

Posté par othoharmonie le 18 mars 2012

Pour échapper à un ennemi, la pieuvre bénéficie d’un atout grâce auquel elle dissimule sa fuite et donne le change : elle puise une sorte d’encre dans une poche spéciale et en envoie de petits jets. Le nuage noir ainsi dégagé, qui semble dessiner la forme de l’animal, peut persister 10 minutes. Présente chez la plupart des céphalopodes, cette poche débouche dans l’intestin, tout près de l’anus. Elle comprend deux parties, l’une, glandulaire, produisant la mélanine, l’autre servant de réservoir pour ce pigment noir qui, mélangé au mucus, formera cette « encre » que la pieuvre expulse à volonté en nuage compact pour désemparer son agresseur.

 Pour passer inaperçue ou, au contraire, pour attirer l’attention, lorsqu’elle veut, par exemple, impressionner un ennemi ou séduire son partenaire en vue de l’accouplement, la pieuvre possède toute une batterie de mécanismes combinant à la fois posture, structure cutanée et couleurs.

 Changer de couleur et de forme

 Wunderpus photogenicusParticulièrement remarquable est la capacité de ce mollusque de changer de couleur d’une façon radicale et, parfois, instantanée. C’est le fait des chromatophores, cellules pigmentées du derme, hautement spécialisées. Grandes, elles sont entourées d’une couronne de fibres musculaires en forme de rayons qui peuvent se contracter. Leur contraction dilate la cellule pigmentée, le retour au repos étant ensuite effectué par la contraction du sac pigmentaire. La couleur ainsi obtenue dépend à la fois du pigment et de la densité des grains qui le composent, c’est-à-dire de l’état d’expansion de la cellule. Chez la pieuvre, les chromatophores sont superposés en 4 ou 5 couches, et leurs pigments peuvent être jaunes, orange ou rouges, et souvent bruns et noirs. Comme toutes les cellules, les chromatophores vieillissent. Jaunes et orange quand ils sont jeunes, ils foncent avec l’âge.

    La disposition des cellules pigmentaires semble liée à celle d’autres cellules sous-jacentes, qu’elles peuvent alternativement masquer ou dévoiler, selon leur état de contraction. Ce sont les iridophores et les leucophores, dont la taille ne varie pas. Les premières sont dotées d’un indice de réfraction élevé et produisent des couleurs structurales. Les leucophores dispersent la lumière et apparaissent comme des taches blanches. L’interaction de ces différents éléments (chromatophores recouvrant des leucophores eux-mêmes entourés par des iridophores) est à l’origine des champs chromatiques qui produisent la variété des dessins de la peau. Le Britannique J. Messenger a montré que cet art du camouflage, propre aux céphalopodes, résulte d’un simple phénomène passif de réflexion, les pieuvres ne discernant pas les couleurs. Lorsque les chromatophores se contractent, les iridophores réfléchissent automatiquement les rayons lumineux qui les touchent, quelle que soit la longueur d’onde émise. Les leucophores, eux, forment des taches claires ou sombres. Les chromatophores imitent simplement le clair-obscur ou l’intensité du fond.

 Art du camouflage de la pieuvre dans PIEUVRE 220px-Haliphron_atlanticus   Les dessins composés par la pieuvre ne dépendent pas seulement des facteurs chromatiques, mais aussi de la posture et de la structure de l’animal. Ainsi, pour disparaître aux yeux des prédateurs, son corps se couvre de larges taches sombres et claires et se hérisse de papilles, tandis que les bras dorsaux de l’animal se lèvent et se tordent.

    Le nombre des dessins fondamentaux composés par la pieuvre est limité. Certains, dits « permanents », sont destinés essentiellement à rendre le mollusque invisible et ne changent pratiquement pas durant des heures ou même des jours. D’autres, qui ne durent que quelques secondes ou quelques minutes, ont pour effet, au contraire, d’attirer l’attention ou d’impressionner. Dans ce dernier cas, la pieuvre pâlit, seul le bord des bras reste très foncé. Quant au corps, il est lisse, et les bras s’arrondissent en un grand arc, tandis que la membrane qui les relie est tendue au maximum.

    Selon les recherches effectuées en 1969 par le Britannique A. Packard et l’Américain G. Sanders, les pieuvres ne possèdent à leur naissance que 65 chromatophores, alors que, à l’âge de un an, on en compte déjà de 1 à 2 millions. Le nouveau-né ne peut que pâlir ou s’assombrir. Chez les petits, seuls les mécanismes liés à la posture ont atteint leur plein développement : contre une agression, le très jeune animal se contente de se rendre invisible et de prendre la fuite. Plus tard, avec l’évolution de son cerveau, il essaiera d’intimider l’agresseur.

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