Le loup fait encore peur…
Posté par othoharmonie le 3 mars 2012
Après plus d’une centaine d’années d’absence dans nos contrées, le loup pourrait, croit-on, avoir laissé s’estomper la peur dans nos inconscients. Que du contraire ! La peur est bien plus forte dans les régions dont le loup a disparu depuis longtemps.
« Avoir peur du loup est quelque chose de tout à fait normal dans la société qui est la nôtre« , rassure Pierre Mannoni, professeur de psychologie à l’université de Nice et auteur de « La Peur« . Mais surtout, la peur n’est pas qu’un avatar de l’esprit humain. Elle possède plus d’une fonction essentielle, tant à notre organisme qu’à nos sociétés. D’ailleurs, son omniprésence dans l’espace et dans le temps en témoigne : il n’y a pas de société – pas plus que d’homme – sans peur. Il est donc normal et, le plus souvent, sain d’avoir peur. Quant au loup, il est une figure quasi universelle de nos inconscients. Ainsi, les mécanismes de la peur, démontés un à un, mènent tous étrangement à la peur du loup.
Deux facteurs font que l’homme est particulièrement en proie à cette peur de l’obscurité. Tout d’abord, l’homme est démuni (ni vue, ni odorat, ni ouïe bien développés en comparaison des autres mammifères). Ensuite, ceci expliquant peut-être cela, l’homme possède une puissante imagination. Cet imaginaire possède également de graves défauts : « A la limite, il n’est plus besoin d’un substrat perceptif quelconque, l’esprit trouve en lui-même des ressources suffisantes et les fictions qu’il enfante ne s’enracinent pas nécessairement dans le réel. » (MANNONI, 1988, 21).
Une peur unique : celle de la mort, du diable, du loup
Une seconde grande peur collective est la peur des manifestations et des corps célestes (ce qui fera du ciel le séjour des dieux) : orage, grêle, tornade, tempête, inondation, sécheresse, mais aussi, astres, comètes, éclipses… La lune, par exemple, sera l’objet d’une véritable fascination, voire de cultes. Elle aussi sera associée au loup que l’on croit volontiers entendre hurler à la lune, quand ce n’est pas pour l’imaginer se transformer en loup-garou.
Viennent ensuite les peurs issues de menaces récurrentes telles que famines, guerres, épidémies, invasions, révoltes, vagabonds, brigands… Si celles-ci semblent bien combattues par les progrès techniques, elles ont en fait cédé le pas à la pollution des océans et de l’air, la disparition des forêts, l’empoisonnement chimique des cultures, les déficiences sanitaires de l’élevage extensif, les catastrophes nucléaires…
En réalité, toutes les peurs tournent autour d’une peur unique : la peur de la mort. Il en va de même pour les peurs du surnaturel. La contagiosité de la mort est ainsi une vieille croyance qui voit revenir les défunts sous des formes très diverses. Aussi, les morts sont vengeurs. Cela trahit, selon Freud, une culpabilité qui s’explique par le fait que « la mort du parent a procuré satisfaction à un désir inconscient. » (MANNONI, 1988, 33). Ceci pourrait également expliquer les privations et les souffrances volontaires liées au deuil, ainsi que la pesanteur de nos pierres tombales et la profondeur de nos fosses. L’enfouissement dans la terre est alors révélation du refoulement dans les têtes. Restent alors parmi les peurs du surnaturel, les peurs de la fin du monde qui résonnent comme le jugement dernier d’un dieu vengeur qui s’associe à la menace satanique pour causer le tourment des hommes. Pourtant, « même lorsque les agents de la peur ont les pieds sur terre, le danger qu’ils véhiculent est, très souvent, rapporté à une volonté divine ou à un pouvoir démoniaque. On peut dire sans crainte d’exagérer que, pour une bonne part, l’univers de la peur sent le soufre. » (MANNONI, 1988, 30). Incontestablement, c’est le cas du loup, fréquemment assimilé au diable en personne.
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