Attaque du Loup
Posté par othoharmonie le 3 mars 2012
Les attaques du loup contre des humains ne relèvent pas de l’imaginaire ou du fantasme mais elles n’ont pas commencé avant le Haut Moyen Âge. Dans l’Antiquité gréco-romaine le loup gris méditerranéen n’était pas en force pour s’attaquer aux humains. Il constituait uniquement une nuisance concurrentielle aux éleveurs et aux chasseurs. Mais avec la chute de l’Empire romain, le loup gris des forêts germaniques a suivi les grandes invasions (du Ve et du VIe siècle), et ce troisième aspect d’un danger direct pour l’espèce humaine s’est ajouté aux deux autres. Mais ces attaques sont restées très occasionnelles, le loup prédateur restant très méfiant à l’égard de ce gibier aux réactions très imprévisibles. Il lui préfère de loin le mouton que les humains de leur côté élèvent pour son lait, sa laine et sa viande ; d’où une concurrence particulièrement exacerbée. C’est ce qu’ont établi Gerhardo Ortalli et Robert Delort.
Un dépouillement d’archive non exhaustif dans les registres paroissiaux menée par Jean-Marc Moriceau dénombre à partir des débuts de l’Ancien Régime, jusqu’en 1918, plus de 1100 cas de prédation de l’homme par le loup, nettement distingués des décès suites à des morsures de loups enragés (plus de 400 à partir des mêmes sources), en France (territoire métropolitain actuel), entre les années 1580 et 1842. Les victimes sont en très grande majorité des enfants ou adolescents isolés, voire des femmes se soulageant. Cette prédation de l’homme, jugée inhabituelle par les contemporains eux-mêmes, pourrait être favorisée (selon l’auteur de l’étude) par les guerres et troubles politiques qui, en parsemant les campagnes de cadavres sans sépulture, développeraient chez une minorité de loups un goût pour la chair humaine. Bien que marginaux vis-à-vis de la mortalité sous l’Ancien Régime, ces cas ont eu une répercussion sur l’imaginaire collectif, nourrissant la peur du loup.
Selon l’auteur l’affaire de la bête du Gévaudan est bien un cas d’anthropophagie lupine qu’il explique scientifiquement. À partir de 1764 un couple de grands loups a pris goût à la chair humaine après la guerre de Sept Ans (1756-1763) épaulés par une dizaine de loups communs prédateurs qui agissaient efficacement dans une contrée en comptant des centaines (et disparaissaient blessés par l’homme dans des ravins), attaquaient le plus souvent des filles, comme à l’habitude au printemps ou pendant des hivers à température clémente (permettant la sortie du bétail). Des journalistes en mal de scoops depuis la fin de la guerre en firent un thème d’écriture à sensation autour de la bête pendant trois ans, le temps de la destruction de tous les loups communs de la région. Toujours d’après Jean-Marc Moriceau les adultes de sexe masculin ne sont attaqués que par les loups enragés dans la mesure où ils s’éloignent souvent de leurs domiciles ruraux, lesquels intéressent seulement les loups anthropophages à la recherche de jeunes bouvières. Toutefois ponctuellement, au début du XIXe siècle, les guerres révolutionnaires et surtout napoléonniennes particulièrement longues, meurtrières et étendues géographiquement, entraînèrent un essor considérable des populations de loups et par voie de conséquence des attaques de soldats par des meutes de prédateurs. Ainsi une attaque en pleine nuit de 80 soldats dans le centre de la France qui se déplaçaient à pied en novembre 1812 se solda par la mort de tous les militaires qu’on retrouva dévorés au milieu de 200 ou 300 animaux tués dans le combat.
D’autres attaques de ce genre se terminèrent moins tragiquement : quelques hommes survécurent et devinrent, sous la Restauration, braconniers ou louvetiers. Toutefois dans les dix siècles de conflit on peut relever une curieuse exception. Si l’on en croit une étude de Xavier Halard, le loup et l’homme ont bien cohabité en Normandie. La région dépendait économiquement de la culture fourragère et non du bétail et les épidémies ou famines ne provoquèrent aucun cas d’anthropophagie lupine, à tel point que les louvetiers furent mal accueillis par les populations locales.
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