La girafe et l’histoire
Posté par othoharmonie le 11 janvier 2012
À travers le cas particulier de la girafe, notre travail consistera à étudier les rapports entre l’homme et l’animal exotique au Moyen Âge vu dans la rareté, le témoignage lacunaire, le fait rapporté, notamment par les textes des « autorités » de la période classique. Durant les mille ans de la période médiévale, par son absence (ou presque) sur le sol européen, les savants, les encyclopédistes et érudits ont dû souvent se contenter d’étudier la girafe de façon philologique, étymologique ou lexicographique.
Notre étude essaiera d’inventorier et d’analyser les textes disponibles au Moyen Âge et leurs rapports entre eux dans la chaîne de la connaissance zoologique. La transmission des textes (compilation des autorités, ajout de récits de voyages, faits rapportés, chroniques, etc.), entre les différents auteurs parlant de la girafe permettra de reconstruire le tableau intellectuel de la lente et difficile connaissance de cet animal exotique.
Cette compréhension s’établira également par l’analyse des mots désignant l’animal, entre le camelopardalis des anciens grecs et romains – animal hybride dont le nom composé (chameau-léopard) reflète bien sa nature mystérieuse et ambiguë, à la fois monstre et merveille de la nature – et le giraffa formé en Italie au xiiie siècle à partir de l’arabe zarâfa, en passant par toutes les variantes possibles du latin classique au latin médiéval, avec les latinisations de mots vernaculaires venus de l’arabe, sans oublier les « manipulations syntaxiques » des compilateurs ou des copistes. La question étymologique sera un élément important de notre travail où nous essaierons de comprendre par exemple les conditions d’apparition du mot « girafe » dans notre langue.
Ce chantier philologique permettra de mieux appréhender la difficulté pour l’homme médiéval de reconnaître dans les textes un animal « mythique » pour l’identifier à un animal réel aperçu lors d’un voyage ou dans une ménagerie princière. Là où Thomas de Cantimpré crée trois animaux distincts dans son encyclopédie (compilation hasardeuse de Pline mêlée à l’évocation de la girafe de Frédéric II), les érudits de la cour de Laurent de Médicis au xve siècle, ayant accès à des sources grecques ignorées du Moyen Âge, sauront parfaitement identifier le caméléopard des anciens à la girafe africaine.
Aspects historiques
L’étude sera également l’occasion d’aborder la place de l’animal exotique dans les ménageries princières, dans son rôle de symbole du pouvoir et dans sa fonction d’apparat. De même, cette présence de la girafe à la cour des empereurs, rois et princes témoigne des échanges diplomatiques (notamment au xiiie et au xve siècles) entre l’Occident et l’Orient. L’envoi de ce type de cadeau d’ambassade était traditionnel dans le monde arabe médiéval, peut-être hérité du goût de l’Égypte ancienne pour les animaux africains, souvent exigés en tribut aux peuples asservis. La girafe nous permettra d’étudier la connaissance de l’Afrique et de sa faune pendant le Moyen Âge, par les encyclopédies et les récits de voyage en Égypte et en Orient.
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