L’Ane 4
Posté par othoharmonie le 25 décembre 2011
Par Édouard Drumont
Hélas ! les peintres sont menteurs comme les poètes, ut poesis pictura, et dans ses Croquis algériens M. Charles Jourdan nous a décrit un coin de la vie des Anes en Algérie, qui n’a rien de particulièrement gai. De l’autre côté de la Méditerranée tous les matériaux de construction sont transportés par des Anes qui seuls ont le pied assez sûr pour se risquer sur le pavé étroit et glissant. C’est une corporation rigoureusement fermée à tout profane, celle des Mzabites, qui a monopolisé l’exploitation des Anes.
Suivant leurs ressources, ils achètent quatorze, vingt-huit ou quarante-deux bourriquets ; plus parfois, mais toujours un multiple de quatorze, car l’escouade réglementaire, capable de transporter un mètre cube de matériaux quelconques : sable, chaux ou pierres, s’élève à ce chiffre. Cette escouade est conduite par quatre hommes qui sont chargés du soin, non seulement d’entretenir leurs Anes, mais de mettre constamment en état le bât et le double coussin qui constituent le harnachement de chaque bête.
Le harnais est des plus primitifs : une corde enroulée autour du cou de l’animal et formant collier. Veut-on mettre la bête en position pour être chargée ou déchargée, c’est par là qu’on la saisit ; quand elle résiste à la traction, le conducteur s’en prend sans façon aux oreilles ou à la queue, moyen de persuasion irrésistible.
»C’est un rude métier, écrit M. Charles Jourdan, que de pousser devant soi le troupeau aux longues oreilles, non qu’il soit indiscipliné, grand Dieu ! car les pauvres animaux qui le composent sont l’image vivante de la docilité et de la crainte, mais il faut charger les matériaux, les conduire sous un soleil brûlant ou sous des averses diluviennes, dans des endroits escarpés, que les charrettes ne peuvent aborder.
La bête souffre, mais l’homme non plus ne ménage pas sa peine. Si âpre que soit cependant la besogne, cela n’enlève rien à la gaieté, ni à l’insouciance du conducteur.
Tantôt à pied dans la poussière, stimulant ses bourriquots qui trébuchent sous leur fardeau, tantôt perché sur la croupe de l’un d’eux, et les ramenant à vide, il chante à tue-tête un air monotone qu’il interrompt souvent pour lancer le cri : Arri ! au bruit duquel détale toute la bande. (A SUIVRE…)
DRUMONT, Édouard (1844-1917) : L’Ane (1882).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (17.VII.2002)
Texte relu par : A. Guézou
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Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire (BmLx : nc) de l’ouvrage Les Animaux chez eux illustré par Auguste Lançon (1836-1887) paru chez L. Baschet à Paris en 1882.
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