L’âne par Victor Hugo 3
Posté par othoharmonie le 24 décembre 2011
Ce livre est la gronderie d’un aïeul, tendre dans sa sévérité, touchante dans sa raillerie, gaie dans sa colère ; c’est le sourire et le dernier mot du désenchantement d’un enchanteur.
J‘ai pensé, Messieurs, que le meilleur conseil à donner à ceux qui ne viennent pas nous demander encore assez de livres à la Bibliothèque de Courbevoie, c’était de leur lire de beaux vers, tout palpitants d’une ironie saine contre l’ignorance, et, quand le pavé de nos rues est jonché de feuilles immondes, si nombreuses que la police n’a pas le temps de les balayer toutes, c’était de les mettre en goût de livres fortifiants pour la conscience, et qui maintiennent, au-dessus du fumier naturaliste, l’éternelle lumière de l’idéal.
Ah ! l’idéal ! On s’en moque, comme on se moque de l’amour, de l’amitié, de toutes les vertus humaines, mais on ne peut pas s’en passer.
Messieurs, quand je défends l’honneur de ma profession, j’ai l’habitude de dire sans réserve ce que je pense ; j’ai pris cette habitude-là sous l’Empire, ce n’est pas pour la perdre sous la République.
J’oserai donc relever ici, en public, le braîment téméraire d’un écrivain qui, depuis moins de dix ans, a donné le signal de la corruption littéraire, dont la vanité jalouse ne se satisfait pas du succès obtenu par l’Assommoir, cette calomnie du peuple, par Nana, ce blasphème contre la femme, et qui, seul dans toute la presse, à propos de l’âne, a grossièrement insulté le poète que son grand âge au moins défendrait devant des sots ordinaires.
M. Zola traite de rabâchages, de platitudes les choses que je vais vous lire.
Je souhaite que les applaudissements dont je suis certain d’avance pour les beaux vers de Victor Hugo, vous inspirent l’irrémédiable dégoût de la littérature putride, et qu’en vengeant avec moi, pour nous, le poète illustre qui n’a pas besoin d’être vengé, vous affirmiez avec moi la réalité de ces choses immortelles que les naturalistes prétendent nier, c’est-à-dire la conscience, le sentiment, le désintéressement, l’amour de l’humanité, l’idéal enfin !
Qu’est-ce que la famille sans ces rêves adorables que nous mêlons à notre sollicitude instinctive ? Qu’est-ce que la patrie, sans l’idée attachée à cette terre que Danton emportait dans son âme, mais déclarait ne pas pouvoir emporter à la semelle de ses souliers ?
Il n’y aurait rien de durable, rien de fécond, rien de vrai dans la vie, sans l’idéal, cet arome de la réalité. (A SUIVRE…)
Issu de la conférence faite à Courbevoie, le 7 novembre 1880 au profit de la bibliothèque populaire
par Louis Ulbach – sous la présidence de M. Laurent Pichat, sénateur
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