La Fête de l’Ane
Posté par othoharmonie le 17 décembre 2011
Dans l’iconographie chrétienne, l’âne est l’attribut d’Issachar, de St Antoine de Padoue, de Ste Austreberte, et de St Philibert. L’art en fait aussi un emblème de la nation juive, de la synagogue, et de la sobriété. Au Moyen âge, il représenta aussi le Diable, comme dans la religion égyptienne il avait été l’image de Typhon. Mais surtout il a été au centre de manifestations populaires dans lesquelles les rites de la religion chrétienne étaient parodiés.
Cette introduction de l’âne dans les cérémonies religieuses est mentionnée dès le IXe siècle. En certaines églises, elle constituait l’élément principal d’une fête spéciale; en plusieurs autres, elle semble n’avoir été qu’un intermède plus ou moins compliqué de la Fête des fous. Même diversité sur le jour de la célébration et sur le souvenir attaché à l’animal, qui figure, tantôt en nature vivante, tantôt en décor. Suivant les localités, il représente soit l’âne de Balaam, soit l’âne de la fuite en Égypte (Ancien Testament), soit l’âne que la tradition place à côté du boeuf, en l’étable de Bethléem (Nouveau Testament), soit l’âne qui servit de monture à Jésus, lors de son entrée triomphale dans Jérusalem.
A Rouen, la solennité avait lieu le jour de Noël; elle avait pour objet de représenter les temps qui ont précédé le Christ, et les personnages qui ont annoncé et préparé son avènement. En ce jour-là, le peuple se rendait à la cathédrale, formant une procession, à la tête de laquelle marchaient Moïse, Aaron, David, les prophètes, Nabuchodonosor, les trois adolescents de la fournaise, Zacharie, père de Jean-Baptiste, le vieux Siméon, Virgile, Maro, vates gentilium, et les sybilles qui ont annoncé le Messie, six juifs et six païens résumant le monde ancien. Les deux figurants principaux étaient Balaam et son ânesse : le prophète armé d’une énorme paire d’éperons et porté sur un grand mannequin en bois reproduisant l’enveloppe d’un âne, sous les draperies duquel un prêtre caché criait des prophéties. L’office ingénieusement machiné, costumé et dialogué, qui terminait cette procession et parfois la remplaçait (Ordo processionis asinorum secundum Rothomagensem usum) se trouve curieusement analysé dans le Glossarium de Ducange.
A Beauvais, le 14 janvier, un âne richement caparaçonné et monté par la plus belle jeune fille de la ville, tenant un enfant ou une grosse poupée emmaillotée, rappelait la fuite en Égypte. Ils étaient menés, avec grande escorte, de la cathédrale à l’église Saint Étienne, où le clergé les introduisait en pompe dans le sanctuaire. Ils y assistaient à une messe, en laquelle les répons de l’Introït, du Kyrie, du Gloria in excelsis, du Credo, etc., étaient remplacés par la modulation Hinhan trois fois répétée. Après l’épître, on chantait la Prose de l’âne.
La messe terminée, le prêtre, au lieu de dire : Ite, missa est, disait trois fois : Hinhan; et le peuple, au lieu de Deo gratias, répondait trois fois : Hinhan.
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