Ane, satyre de Midas
Posté par othoharmonie le 13 décembre 2011
Ce fut le satyre Marsyas qui dénicha la merveilleuse flûte qu’avait jeté Athéna. Il en joua si bien que même les Muses s’en trouvaient toutes éblouies, insinuant que même Apollon ne jouait pas aussi bien ! Outré par cette comparaison, le divin Apollon conclut de se mesurer à ce vilain satyre lors d’une joute musicale qui serait arbitrée par les Muses et le roi de Phrygie, Midas.
Après que les deux protagonistes aient joué, les Muses, comme Midas, ne purent se prononcer sur l’issue du combat. Comble de l’outrage pour Apollon, ce dernier fomenta une ruse qui n’était pas dans son habitude, il faut dire qu’il se souvenait des mésaventures qu’il avait eues, dans le même registre, avec un autre fripon, Hermès. Apollon, sûr de son fait, dit alors au satyre : « Retourne ton instrument, joues-en et chante en même temps ! », ne voilà pas une gageure pour celui qui, la bouche libre, pouvait aisément retourner sa lyre et chanter dans le même temps ! C’était une autre affaire pour notre satyre asinien (je précise « asinien » car le nom de marsyas vient du phonème imer araméen qui désigne l’âne en langue sémitique ; du nom du satyre on a tiré le mot marsupial qui désigne tous les animaux à poche), que fît-il ?
Le mythe ne nous l’indique pas mais on peut interpréter de manière plus satisfaisante si l’on connaît un peu les structures mythologiques qui ont été édulcorées par les auteurs grecs. Marsyas pratiqua ce que tous les satyres et autres compères de Dionysos connaissent bien, la maîtrise du temps à l’envers, du temps de Cronos où tout est à rebours, l’Age d’or ! Marsyas imita au sens propre ce que soupçonnaient les déesses Aphrodite et Héra en voyant jouer Athéna, il fixa la flûte en son fondement, sa bouche ainsi libérée, il pouvait du coup chanter en même temps ! C’est pour cela que les Muses comme Midas le déclarèrent vainqueur et qu’Apollon, une nouvelle fois pris à un jeu qu’il ne maîtrisait pas (la métis), enragea et affubla le roi Midas d’oreilles d’âne puis écorcha vif le satyre en le clouant à un arbre. Mais, nous disent les auteurs grecs, « Apollon eut honte de sa victoire et donna naissance à une rivière à l’endroit même où Marsyas avait été crucifié » pour excuser son geste pour le moins expéditif.
On sent bien que la structure du mythe n’est pas respectée par ces auteurs qui font ce qu’ils peuvent pour que leur récit reste un tant soit peu cohérent. L’histoire continue puisque Midas, honteux d’être affublé des oreilles du plus vil des animaux, cacha ses merveilleuses oreilles sous un bonnet phrygien, bonnet qui deviendra plus tard le signe des affranchis et de tous les cancres.
Son barbier étant le seul au courant de cet appareil auditif démesuré ne put se retenir d’en parler, creusa un trou et dit tout bas : « Le roi Midas a des oreilles d’âne !« . Mais le sort n’en faisant qu’à sa tête, sur ce même trou poussa des roseaux (autres flûtes, de Pan celles-là) qui, caressés par le vent (anal ?), répétaient inlassablement : « Le roi Midas a des oreilles d’âne ! ».
Ainsi, remontant des entrailles de l’Enfer, les roseaux-flûtes arrosés par la rivière Marsyas, reprirent à l’unisson non pas ce que Midas aurait voulu cacher (le symbole de la royauté en Phrygie était un sceptre avec une tête d’âne !), mais ce que Apollon voulait à jamais taire : sa défaite lors d’un concours de musique face à un pauvre satyre, domaine où il est connu pour être le père de tous les arts ! Le passage où le barbier intervient doit nous évoquer le rasage de l’homme sauvage, homme-animal à l’image de tous les satyres, qui doit être capturé pour qu’ils nous amènent fertilité et prospérité.
Par Bertrand CHATELAIN
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