Le Chien 13

Posté par othoharmonie le 20 novembre 2011

 

Par G. de Cherville 

 

Le Chien 13 dans CHIEN 320px-Bouledogues_fran%C3%A7aisJ’en veux au boule-dogue du tort que sa méchante réputation, sa physionomie bestialement farouche font à l’ensemble de l’espèce canine. Ses déplorables fréquentations, un patronage au moins suspect sont loin de le réhabiliter dans mon opinion ; mais, si je me refuse à reconnaître les grâces de cette mâchoire proéminente dont les canines menaçantes semblent toujours disposées à faire la connaissance de vos mollets, je n’en crois pas moins que la férocité de cet animal est un peu surfaite. 

 

En tout cas cette férocité serait notre œuvre. Nous avons voulu perfectionner notre Chien de défense, nous y sommes arrivés par la sélection et les croisements, nous avons fabriqué un spécimen de toute la force musculaire, de tout l’indomptable courage dont la race canine est susceptible, nous avons inventé le boule-dogue. Voulez-vous avoir une idée de ce qu’il peut posséder de vaillance, du degré de lâche imbécillité dont la race humaine est capable ? 

 

Un Anglais paria que, de deux en deux minutes, il couperait une patte à une Chienne de cette espèce qu’il possédait et qu’elle n’en continuerait pas moins de combattre un Taureau. Cette immonde gageure fut exécutée et gagnée ; malgré trois mutilations successives, la Chienne continua la lutte ; à la quatrième, elle se coucha aux pieds de ce barbare où elle expira. 

Sous prétexte que nous sommes les éditeurs responsables de l’humeur batailleuse du boule-dogue, je ne prétends point l’en décharger. 

 

200px-Bou dans CHIENDressé au combat contre d’autres animaux de son espèce il résiste rarement à la tentation de livrer bataille à ceux de ses confrères qu’il rencontre. Il est assez rare que l’homme ait été l’objectif de son éducation, mais enfin cela arrive et en pareil cas il serait infiniment dangereux de s’y fier ; en revanche, de très nombreuses observations m’ont démontré que ce Chien, lorsque nous n’avons pas accentué son tempérament, stimulé ses penchants, lorsque nous ne lui avons pas appris à mordre, n’est ni plus méchant, ni plus hargneux qu’un autre, j’ajoute que je le crois d’une possession infiniment moins dangereuse que le Terre-Neuve. 

 

Les nombreux amis que cette race insulaire compte en France accueilleront mal cette insinuation. Ce sauveteur jouit d’une réputation qui, pour être générale, n’en est pas mieux méritée ; il bénéficie aussi du préjugé qui fait de la bonté et de la douceur le partage de tous les ventrus. 

 

Ne discutons pas l’authenticité de ses exploits professionnels ; concédons le caractère paterne qu’affecte cet extérieur encore plus massif que majestueux, une analyse attentive de la physionomie nous renseignera sur ce que nous devons attendre de ces dehors débonnaires et pacifiques. 

 

200px-FrenchBulldogCette physionomie, elle tient tout entière dans l’œil, chez l’homme le miroir de l’âme et qui chez le Chien révèle plus que ses instincts. Cet œil du terre-neuve est relativement plus petit que dans aucune autre race, presque toujours sanglant, dès que l’animal a dépassé sa troisième année ; vous y chercherez vainement les expressions caressantes et tendres, quelquefois joyeuses et provocantes, toujours franches, toujours expansives à l’aide desquelles d’autres Chiens remplacent la parole qui leur manque ; l’œil du terre-neuve est un œil muet ; une vague sournoiserie, encore accentuée par un fréquent clignotement des paupières, voilà le sentiment qu’expriment le plus souvent ses prunelles. Le caractère répond à ces prémisses ; le terre-neuve n’est pas hargneux vis-à-vis de ses semblables, il faut le reconnaître, mais il est brutal, quinteux, sujet à des colères sans prétexte. La paresse est de tous les péchés capitaux le seul qui le passionne ; il s’y livre avec délices et gare à qui le trouble dans cette jouissance. 

(A SUIVRE…) 

 

 

CHERVILLE, Gaspard de Pekow marquis de (1821-1898) : Le Chien (1882). 

 



Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (23.VII.2002)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] 100346.471@compuserve.com

http://www.bmlisieux.com/ 



Diffusion libre et gratuite (freeware) 



Texte établi sur un exemplaire (BmLx : nc) de l’ouvrage Les Animaux chez eux illustré par Auguste Lançon (1836-1887) paru chez L. Baschet à Paris en 1882. 



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