L’Ours 1
Posté par othoharmonie le 19 novembre 2011
Par Jules Vallès
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Fait drôlement !
Museau pointu, épaules larges, train de derrière plus large encore ; pas de queue. Etabli sur son séant, les pattes de devant en l’air, il ressemble à une pyramide poilue plantée sur sa base. Il est en effet la pyramide de nos premiers grands souvenirs de la nature. Nous le voyons près de nous dans le drame de la vie terrestre, à partir du jour où on a pu en ressusciter les personnages et en rebâtir les décors. Il est assis, grognon, devant le berceau de notre race.
Il donne même son nom à l’époque primitive qu’on appelle l’époque du Grand Ours.
Il ne fera que perdre de la taille et de la force à mesure qu’il descendra les chemins tout d’un coup barricadés par les portes en pierre des villes et les palissades de la civilisation.
Il apparaît énorme à nos ancêtres.
Les bêtes des temps primitifs sont à son niveau : Éléphants à crinière et à toison de laine, qu’on appelle Mammouths, Boeufs sauvages qui comme lui ont du poil et une fourrure pour les défendre du froid sous un ciel de marbre blanc.
Mais, solitaires et farouches sur cette terre glacée, tous les autres sont quand même et toujours un danger pour l’homme. L’Ours, qui doit être un jour camarade des Singes de baraque et paillasse à la Foire au pain d’épice, commence par être une espèce de chien d’aveugle. C’est lui qui entraîne l’homme sur la route des cavernes et des huttes où l’on est protégé contre la neige, le vent et le danger. C’est lui qui fraye les routes vierges et pour ainsi dire les tasses, pionnier monstrueux. Il a creusé des abris, découvert des asiles où nos ancêtres pénètrent et dont ils s’emparent. Ils fournissent le vivre à l’Ours quand ils l’attaquent à faux et sont vaincus, mais l’Ours leur fournit le couvert quand ils réussissent à le déloger sans lui rester sous la dent. Il leur fournit aussi le vêtement quand ils le tuent. L’homme se glisse dans la peau encore chaude de la bête comme il s’est glissé dans la caverne. L’Ours est donc pour notre race, à son origine, à la fois un frère de lait, un père nourricier et un pélican blanc, tout noir qu’on nous l’ait montré. (A SUIVRE…)
VALLÈS, Jules (1832-1885) : L’Ours (1882).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.II.2009) Texte relu par : A. Guézou
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Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire (BmLx : nc) de l’ouvrage Les Animaux chez eux illustré par Auguste Lançon (1836-1887) paru chez L. Baschet à Paris en 1882
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