L’oiseau mythique évoque donc également le feu créateur et destructeur. Comme le Soleil, le Feu symbolise l’action fécondante.
En consumant, il purifie et permet la régénération. Il est à noter que Lucifer, le « porteur de lumière », précipité dans les flammes de l’enfer, incarne le feu qui ne consume pas et exclut de la régénération.
Au contraire, le phénix rejoint le symbolisme du feu des rites initiatiques de mort et de renaissance.
Dans la pensée chinoise, le Phénix garde l’un des points cardinaux, le sud. Oiseau de feu, il symbolise la chaleur et est associé à la couleur rouge. Il est également lié à l’alchimie, puisque le cinabre lui est associé, ce sulfure de mercure au rouge somptueux dont sont peints colonnes et frontons des temples bouddhiques. En outre, dans la cosmogonie chinoise, le Phénix représente le cycle solaire : oiseau de l’éternel retour, il symbolise la périodicité de l’astre, son immortalité aussi. Mais toujours pour les Chinois, le Phénix n’est pas uniquement un symbole solaire : il a aussi des caractéristiques animales, mythiques bien entendu. En particulier, il n’est pas hermaphrodite mais sexué : le Phénix mâle se nomme Feng tandis que le Phénix femelle se nomme Huang. Feng et Huang s’unissent formant ainsi l’allégorie du bonheur conjugal. Leur union les conduit au nirvana, au paradis des Immortels. Pour les chinois, le Phénix est une chimère : il rassemble en lui des éléments morphologiques de diverses provenances : crête de coq, bec d’hirondelle et tête de cygne, cou de serpent et ailes écailleuses, queue de poisson… Son plumage est de cinq couleurs, comme le nombre des vertus dont il sa pare pour le sage confucéen : l’humanité, la conformité morale, la bienveillance, la justice et la bonne foi. Associé à l’été et au yang dans la pulsation régulière du Cosmos, le Phénix chinois est un oiseau dont le chant forma la musique la plus mélodieuse que l’on puisse imaginer.
De Chine, le Phénix s’envola vers d’autres territoires, Corée, Japon, Inde. Puis l’oiseau de feu mythique fut intégré à la pense philosophique et religieuse persane. C’est sans doute là que la mystique musulmane soufie le trouva. Le farsi (forme parlé du persan en Iran) a nommé Angha, ou Ghoghnous, cet oiseau mythique qui se brûle lui-même pour mourir et renaître de ses cendres. Ce thème fournira l’une des images récurrentes à la poésie mystique soufie.
L’art musulman abonde en figuration de l’oiseau de feu. Takht-i Sulayman est le site d’un palais érigé vers 1270 par les Mongols, dans le nord-ouest de l’Iran, où l’on a retrouvé des carreaux de céramique vernissés et lustrés montrant, affrontés, un dragon menaçant et un Phénix prenant son envol. Il s’agit là, vraisemblablement, d’un motif décoratif emprunté, à l’époque, à des textiles chinois d’importation.
En occident, les bestiaires médiévaux, en particulier ceux qui furent écrits et enluminés vers l’an 1200 – un manuscrit conservé en Ecosse, à Aberdeen, en est un magnifique témoignage- présentant diverses variantes du Philiologus, nom latin du Phénix. Le Christ y est assimilé à l’oiseau mythique :
[…] lorsque cet oiseau constate qu’il se fait vieux, il érige pour lui-même un bûcher funéraire, fait de rameaux aromatiques. Il se tourne alors vers les rayons du soleil et, battant des ailes pour attiser la flamme, il s’immole et le feu le consume. Cependant le neuvième jour par après, l’oiseau renaît de ses cendres. Notre seigneur Jésus-Christ possède les attributs de cet oiseau, puisqu’il déclara : « J’ai pouvoir de la [la vie] donner et j’ai pouvoir de la reprendre » (Jean, X, 18). Si dès lors le Phénix a la capacité de se détruire et de ressusciter, pourquoi donc les sots s’irritent-ils de la Parole divine, celle du Fils de Dieu [lorsqu’il dit cela] ? N’est-il pas vrai que notre Sauveur est venu du ciel ? Il emplit ses ailes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il offrit sa vie à son père, pour nous, sur l’autel de la Croix, et ressuscita le troisième jour.
Les Grecs associaient cet animal mythique aux temples égyptiens d’Héliopolis, dédiés au Soleil. Il est associé au cycle annuel des crues du Nil.
Le témoignage d’Hérodote est précieux à cet égard :
Il y a encore un autre oiseau sacré, appelé le Phénix. Je ne l’ai pas vu sinon en peinture ; aussi bien visite t-il rarement les égyptiens, tous les cinq cents ans, à ce que disent les gens d’Héliopolis : il viendrait, d’après eux, quand son père meurt. S’il est tel qu’on le peint, voici quelles seraient sa grandeur et son apparence : les plumes de ses ailes sont les unes couleur d’or, les autres d’un rouge vif ; pour la silhouette et la taille, il ressemble de très près à l’aigle. On raconte de lui – à mon avis c’est un récit incroyable-, qu’il accomplirait cet exploit. Partant de l’Arabie, il transporterait au sanctuaire d’Hélios, le corps de son père enveloppé de myrrhe, et l’ensevelirait dans ce sanctuaire. Et, pour le transporter, il s’y prendrait de la manière suivante : il façonnerait d’abord avec la myrrhe un œuf, de la grosseur de ce qu’il peut porter, et s’essaierait ensuite à voler avec cette charge. L’épreuve faite, il creuserait l’œuf et y introduirait son père ; puis, avec d’autre myrrhe, il enduirait la partie de l’œuf qu’il aurait creusé […] et, enveloppé de la sorte, il le transporterait en Egypte au sanctuaire d’Hélios. Voilà dit-on ce que fit cet oiseau.
Sources : Le Phénix et la salamandre – Histoires de Sciences- Pierre Laszlo éd. Le Pommier – Wikipédia