Le commerce de l’ivoire
Posté par othoharmonie le 23 octobre 2011
Dans son malheur, l’éléphant d’Asie aura eu plus de chance que celui d’Afrique, qui a déjà disparu depuis longtemps du Nord de l’Afrique, où les Égyptiens et les Carthaginois l’avaient domestiqué, comme nous l’avons dit, avant l’ère chrétienne. Il a disparu de l’Afrique australe, où les colons hollandais et anglais n’ont pas su tirer parti de ses services, malgré l’exemple des Anciens et de l’Inde moderne, et n’ont vu en lui qu’un animal malfaisant et bon à détruire. Et même si au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle, à l’époque où les Européens cherchaient à fonder des établissements sur tous les points de l’Afrique, on a encore envisagé (en particulier au Congo belge) de reprendre les essais de domestication, appliquant le régime qui a toujours réussi en Inde, les résultats n’ont pas été concluants. En fait dès cette époque, l’espèce avait un autre intérêt, qui entraînait l’énorme destruction que l’on faisait chaque année de celle-ci, uniquement pour se procurer l’ivoire de ses défenses. Chacune de ces défenses cependant pèse, en moyenne, 30 à 32 kilogrammes.
Le Sénégal, les rives de la Gambie et la côte du Grand Bassam étaient les points où le commerce avait le plus d’activité, et il provoquait les chasses actives que l’on faisait aux éléphants de ces contrées. L’industrie du travail de l’ivoire a été très florissante en France où Dieppe était un des centres de cette industrie, et surtout en Angleterre : la seule ville de Sheffield reçoit chaque année à la fin du XIXe siècle quarante-six mille défenses, représentant vingt-trois mille éléphants,
Les molaires de l’éléphant étaient sciées en plaques minces et employées par les peintres de miniatures. Quant aux sculptures sur ivoire, c’est avec les défenses qu’on les exécutait. Pour la confection des dentiers artificiels, l’ivoire des canines de l’hippopotame, celui des grandes défenses du morse, étaient plus estimés que celui de l’éléphant; ces ivoires sont durs et serrés de grain, mais si celui de l’hippopotame ne jaunit pas, celui du morse jaunit au contraire très vite. En calcinant l’ivoire en vase clos on en faisait un corps noir velouté, qui est du charbon très fin, connu sous le nom de noir d’ivoire ou noir de velours. Les Arabes, en le calcinant en vase ouvert, en tiraient une substance blanche, nommée spode ou spodium, qui était du phosphate de chaux presque pur. Les os compacts étaient aussi employés pour les objets communs aux mêmes usages que l’ivoire ; c’est-à-dire pour la confection des manches de couteaux et de menues brosses, des ronds de table, chapelets, peignes, petits objets tournés. Les boules de billard, les jeux d’échecs étaient presque exclusivement faits en ivoire.
Dès cette époque, quelques esprits se sont montrés effrayés de cette rapide extermination atteignant un animal dont la croissance est si lente et dont la femelle ne reproduit que tous les quatre ans. On en appelait déjà à réglementer la production de l’ivoire, qui n’était que du gaspillage, car, expliquait-on, les procédés en usage conduisaient fatalement et rapidement à la disparition complète de l’animal qui le produit. Cette première alerte n’a eu aucun écho. Au cours du XXe siècle, la chasse intensive n’a fait qu’accélérer la mise en danger l’éléphant d’Afrique. Dans les années 1970, un braconnage sans frein a accentué encore cette menace, et a conduit à limiter, puis interdire complètement, sous les auspices de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) à partir de septembre 1989, le commerce international de l’ivoire. Une interdiction efficace, mais qui a connu des entorses depuis 1997, avec l’autorisation de vente au Japon de l’ivoire collecté (légalement) au Zimbabwé, au Botswana et en Namibie, puis en Afrique du Sud.
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